Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/265

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nourrir cette partie ; dès lors, quand toutes les molécules renvoyées de tout le corps viennent à se rassembler, elles doivent former un petit corps semblable au premier, puisque chaque molécule est semblable à la partie dont elle a été renvoyée ; c’est ainsi que se fait la reproduction dans toutes les espèces, comme les arbres, les plantes, les polypes, les pucerons, etc., où l’individu tout seul reproduit son semblable, et c’est aussi le premier moyen que la nature emploie pour la reproduction des animaux qui ont besoin de la communication d’un autre individu pour se reproduire, car les liqueurs séminales des deux sexes contiennent toutes les molécules nécessaires à la reproduction ; mais il faut quelque chose de plus pour que cette reproduction se fasse en effet, c’est le mélange de ces deux liqueurs dans un lieu convenable au développement de ce qui doit en résulter, et ce lieu est la matrice de la femelle.

Il n’y a donc point de germes préexistants, point de germes contenus à l’infini les uns dans les autres, mais il y a une matière organique toujours active, toujours prête à se mouler, à s’assimiler et à produire des êtres semblables à ceux qui la reçoivent : les espèces d’animaux ou de végétaux ne peuvent donc jamais s’épuiser d’elles-mêmes ; tant qu’il subsistera des individus l’espèce sera toujours neuve, elle l’est autant aujourd’hui qu’elle l’était il y a trois mille ans[NdÉ 1] ; toutes subsisteront d’elles-mêmes tant qu’elles ne seront pas anéanties par la volonté du Créateur.

Au Jardin du Roi, le 27 mai 1748.

  1. Il m’a paru inutile de relever, dans la « Récapitulation » du Mémoire de Buffon sur la génération, les erreurs qu’elle contient et qui ont déjà été signalées dans le cours du Mémoire. Mais Buffon en émet ici une nouvelle, du moins sous la forme où il produit son opinion. Il paraît admettre que les espèces ne peuvent « jamais s’épuiser d’elles-mêmes », et croire que chaque espèce animale et végétale, une fois produite, est indestructible. Cette opinion est contredite par un grand nombre de faits. Les espèces disparaissent comme les individus, même quand elles vivent dans des conditions en apparence favorables et permanentes. Il semble indispensable que les espèces évoluent ; si elles restent stationnaires, elles ne tardent pas à disparaître. On peut même, assez facilement, parmi les espèces actuelles, distinguer des espèces jeunes et douées d’un avenir plus ou moins grand, et des espèces vieilles. (Voir mon Introduction.)