Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femelle est contenue dans une très petite partie de l’œuf, qu’on appelle la cicatricule ; que l’on doit comparer cette cicatricule de l’œuf des femelles ovipares au corps glanduleux des testicules des vivipares, puisque c’est dans cette cicatricule que se filtre et se conserve la semence de la femelle ovipare, comme la semence de la femelle vivipare se filtre et se conserve de même dans le corps glanduleux ; que c’est à cette même cicatricule que la liqueur du mâle arrive pour pénétrer celle de la femelle et y former l’embryon ; que toutes les autres parties de l’œuf ne servent qu’à sa nutrition et à son développement ; qu’enfin l’œuf lui-même n’est qu’une vraie matrice, une espèce de viscère portatif, qui remplace dans les femelles ovipares la matrice qui leur manque : la seule différence qu’il y ait entre ces deux viscères, c’est que l’œuf doit se séparer du corps de l’animal, au lieu que la matrice y est fixement adhérente ; que chaque femelle vivipare n’a qu’une matrice qui fait partie constituante de son corps, et qui doit servir à porter tous les individus qu’elle produira, au lieu que dans la femelle ovipare il se forme autant d’œufs, c’est-à-dire autant de matrices qu’elle doit produire d’embryons, en la supposant fécondée par le mâle. Cette production d’œufs ou de matrices se fait successivement et en fort grand nombre, elle se fait indépendamment de la communication du mâle ; et lorsque l’œuf ou matrice n’est pas imprégné dans sa primeur, et que la semence de la femelle contenue dans la cicatricule de cet œuf naissant n’est pas fécondée, c’est-à-dire pénétrée de la semence du mâle, alors cette matrice, quoique parfaitement formée à tous autres égards, perd sa fonction principale, qui est de nourrir l’embryon qui ne commence à s’y développer que par la chaleur de l’incubation.

Lorsque la femelle pond, elle n’accouche donc pas d’un fœtus, mais d’une matrice entièrement formée ; et lorsque cette matrice a été précédemment fécondée par le mâle, elle contient dans sa cicatricule le petit embryon dans un état de repos ou de non-vie[NdÉ 1], duquel il ne peut sortir qu’à l’aide d’une chaleur additionnelle, soit par l’incubation, soit par d’autres moyens équivalents ; et si la cicatricule qui contient la semence de la femelle n’a pas été arrosée de celle du mâle, l’œuf demeure infécond, mais il n’en arrive pas moins à son état de perfection : comme il a en propre et indépendamment de l’embryon une vie végétative, il croît, se développe et grossit jusqu’à sa pleine maturité ; c’est alors qu’il se sépare de la grappe à laquelle il tenait par son pédicule, pour se revêtir ensuite de sa coque.

Dans les vivipares, la matrice a aussi une vie végétative, mais cette vie est intermittente et n’est même excitée que par la présence de l’embryon. À mesure que le fœtus croît, la matrice croît aussi, et ce n’est pas une simple extension en surface, ce qui ne supposerait pas une vie végétative, mais

  1. La cicatricule fécondée est déjà un organisme vivant ; mais cet organisme, au début de son développement, est condamné à mourir s’il ne rencontre pas les conditions indispensables à son existence et à son évolution.