Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/271

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c’est un accroissement réel, une augmentation de substance et d’étendue dans toutes les dimensions : en sorte que la matrice devient, pendant la grossesse, plus épaisse, plus large et plus longue. Et cette espèce de vie végétative de la matrice, qui n’a commencé qu’au même moment que celle du fœtus, finit et cesse avec son exclusion, car après l’accouchement la matrice éprouve un mouvement rétrograde dans toutes ses dimensions ; au lieu d’un accroissement, c’est un affaissement : elle devient plus mince, plus étroite, plus courte, et reprend en assez peu de temps ses dimensions ordinaires, jusqu’à ce que la présence d’un nouvel embryon lui rende une nouvelle vie.

La vie de l’œuf, étant au contraire tout à fait indépendante de celle de l’embryon, n’est point intermittente, mais continue depuis le premier instant qu’il commence de végéter sur la grappe à laquelle il est attaché, jusqu’au moment de son exclusion par la ponte ; et lorsque l’embryon, excité par la chaleur de l’incubation, commence à se développer, l’œuf, qui n’a plus de vie végétative, n’est dès lors qu’un être passif[NdÉ 1], qui doit fournir à l’embryon la nourriture dont il a besoin pour son accroissement et son développement entier ; l’embryon convertit en sa propre substance la majeure partie des différentes liqueurs contenues dans l’œuf qui est sa vraie matrice, et qui ne diffère des autres matrices que parce qu’il est séparé du corps de la mère ; et lorsque l’embryon a pris dans cette matrice assez d’accroissement et de force pour briser sa coque, il emporte avec lui le reste des substances qui y étaient renfermées.

Cette mécanique de la génération des ovipares, quoiqu’en apparence plus compliquée que celle de la génération des vivipares, est néanmoins la plus facile pour la nature, puisqu’elle est la plus ordinaire et la plus commune ; car si l’on compare le nombre des espèces vivipares à celui des espèces ovipares, on trouvera que les animaux quadrupèdes et cétacés, qui seuls sont vivipares, ne font pas la centième partie du nombre des oiseaux, des poissons et des insectes, qui tous sont ovipares ; et comme cette génération par les œufs a toujours été celle qui s’est présentée le plus généralement et le plus fréquemment, il n’est pas étonnant qu’on ait voulu ramener à cette génération par les œufs celle des vivipares, tant qu’on n’a pas connu la vraie nature de l’œuf, et qu’on ignorait encore si la femelle avait, comme le mâle, une liqueur séminale : l’on prenait donc les testicules des femelles pour des ovaires, les vésicules lymphatiques de ces testicules pour des œufs, et on s’éloignait de la vérité, d’autant plus qu’on rapprochait de plus près les prétendues analogies, fondées sur le faux principe omnia ex ovo, que toute génération venait d’un œuf.


  1. Buffon, plus heureux dans ce passage que plus haut, indique avec raison que l’œuf est doué d’une vie propre, ainsi que l’est toute cellule ; mais il ne distingue pas suffisamment les deux parties qui existent dans certains œufs, notamment dans ceux des oiseaux : celle qui doit se transformer en embryon (vitellus germinatif) et celle qui est simplement destinée à nourrir l’embryon (vitellus nutritif). J’ai déjà insisté sur ces faits dans une précédente note.