Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/276

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et par plusieurs autres, tels que la production de la vermine dans les maladies pédiculaires, que dans de certains cas cette génération spontanée a la même puissance que la génération ordinaire, puisqu’elle produit des êtres qui ont la faculté de se reproduire. À la vérité, nous ne sommes pas assurés que ces petites anguilles de la farine, produites par la mère anguille, aient elles-mêmes la faculté de se reproduire par la voie ordinaire de la génération, mais nous devons le présumer, puisque dans plusieurs autres espèces, telles que celles des poux qui tout à coup sont produits en si grand nombre par une génération spontanée dans les maladies pédiculaires, ces mêmes poux, qui n’ont ni père ni mère, ne laissent pas de se perpétuer comme les autres par une génération ordinaire et successive.

Au reste j’ai donné, dans mon Traité de la génération, un grand nombre d’exemples qui prouvent la réalité de plusieurs générations spontanées. J’ai dit que les molécules organiques vivantes, contenues dans tous les êtres vivants ou végétants, sont toujours actives, et que, quand elles ne sont pas absorbées en entier par les animaux, ou par les végétaux pour leur nutrition, elles produisent d’autres êtres organisés. J’ai dit (p. 657) que quand cette matière organique et productive se trouve rassemblée en grande quantité dans quelques parties de l’animal, où elle est obligée de séjourner sans pouvoir être repompée, elle y forme des êtres vivants ; que le ténia, les ascarides, tous les vers qu’on trouve dans le foie, dans les veines, etc., ceux qu’on tire des plaies, la plupart de ceux qui se forment dans les chairs corrompues, dans le pus, n’ont pas d’autre origine ; et que les anguilles de la colle de farine, celles du vinaigre, tous les prétendus animaux microscopiques, ne sont que des formes différentes que prend d’elle-même, et suivant les circonstances, cette matière toujours active et qui ne tend qu’à l’organisation.

Il y a des circonstances où cette même matière organique non seulement produit des corps organisés, comme ceux que je viens de citer, mais encore des êtres dont la forme participe de celle des premières substances nutritives qui contenaient les molécules organiques. J’ai donné l’exemple d’un peuple des déserts de l’Éthiopie, qui est souvent réduit à vivre de sauterelles : cette mauvaise nourriture fait qu’il s’engendre dans leur chair des insectes ailés qui se multiplient en si grand nombre qu’en très peu de temps leur corps en fourmille ; en sorte que ces hommes, qui ne se nourrissent que d’insectes, sont à leur tour mangés par ces mêmes insectes. Quoique ce fait m’ait toujours paru dans l’ordre de la nature, il serait incroyable pour bien des gens, si nous n’avions pas d’autres faits analogues et même encore plus positifs[NdÉ 1].

Un très habile physicien et médecin de Montpellier, M. Moublet, a bien

  1. Le désir d’étayer de sa théorie rend ici Buffon d’une crédulité vraiment excessive.