Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/295

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figure ainsi que le père et la mère, et nés comme eux avec beaucoup d’intelligence, excepté le neuvième enfant, garçon, nommé au baptême Augustin-Paul, dernier enfant que la mère ait eu, lequel, sans être absolument contrefait, est petit, a de grosses jambes, une grosse tête, et moins d’esprit que les autres.

Il vint au monde le 10 juillet 1735, avec des dents et des cheveux, après treize mois de grossesse, remplis de plusieurs accidents surprenants dont sa mère fut très incommodée.

Elle eut une perte considérable en juillet 1734, une jaunisse dans le même temps, qui rentra et disparut par une saignée qu’on se crut obligé de lui faire, et après laquelle la grossesse parut entièrement évanouie.

Au mois de septembre un mouvement de l’enfant se fit sentir pendant cinq jours, et cessant tout d’un coup, la mère commença bientôt à épaissir considérablement et visiblement dans le même mois ; et, au lieu du mouvement de l’enfant, il parut une petite boule, comme de la grosseur d’un œuf, qui changeait de côté et se trouvait tantôt bas, tantôt haut par des mouvements très sensibles.

La mère fut en travail d’enfant vers le 10 d’octobre ; on la tint couchée tout ce mois pour lui faire atteindre le cinquième mois de sa grossesse, ne jugeant pas qu’elle pût porter son fruit plus loin, à cause de la grande dilatation qui fut remarquée dans la matrice. La boule en question augmenta peu à peu, avec les mêmes changements, jusqu’au 2 février 1735 ; mais à la fin de ce mois, ou environ, l’un des porteurs de chaise de la mère (qui habitait alors une ville de province), ayant glissé et laissé tomber la chaise, le fœtus fit de très grands mouvements pendant trois ou quatre heures par la frayeur qu’eut la mère ; ensuite il revint dans la même disposition qu’au passé.

La nuit qui suivit ledit jour 2 février, la mère avait été en travail d’enfant pendant cinq heures, c’était le neuvième mois de la grossesse, et l’accoucheur, ainsi que la sage-femme, avaient assuré que l’accouchement viendrait la nuit suivante. Cependant il a été différé jusqu’en juillet, malgré les dispositions prochaines d’accoucher où se trouva la mère depuis ledit jour 2 février, et cela très fréquemment.

Depuis ce moment le fœtus a toujours été en mouvement, et si violent pendant les deux derniers mois qu’il semblait quelquefois qu’il allait déchirer sa mère, à laquelle il causait de vives douleurs.

Au mois de juillet elle fut trente-six heures en travail ; les douleurs étaient supportables dans les commencements, et le travail se fit lentement, à l’exception des deux dernières heures, sur la fin desquelles l’envie qu’elle avait d’être délivrée de son ennuyeux fardeau et de la situation gênante dans laquelle on fut obligé de la mettre à cause du cordon qui vint à sortir avant que l’enfant parût lui fit trouver tant de forces qu’elle enlevait trois personnes : elle accoucha plus par les efforts qu’elle fit que par les secours du