Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/363

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ceux d’Europe qui ne soient pas bossus ; cette race d’Europe est cependant la race primitive à laquelle les races bossues remontent par le mélange dès la première ou la seconde génération ; et ce qui prouve encore que cette race bossue n’est qu’une variété de la première, c’est qu’elle est sujette à de plus grandes altérations et à des dégradations qui paraissent excessives : car il y a dans ces bœufs bossus des différences énormes pour la taille ; le petit zébu de l’Arabie a tout au plus la dixième partie du volume du taureau-éléphant d’Éthiopie.

En général, l’influence de la nourriture est plus grande et produit des effets plus sensibles sur les animaux qui se nourrissent d’herbes ou de fruits ; ceux au contraire qui ne vivent que de proie varient moins par cette cause que par l’influence du climat, parce que la chair est un aliment préparé et déjà assimilé à la nature de l’animal carnassier qui la dévore, au lieu que l’herbe étant le premier produit de la terre, elle en a toutes les propriétés, et transmet immédiatement les qualités terrestres à l’animal qui s’en nourrit[NdÉ 1].

Aussi le chien, sur lequel la nourriture ne paraît avoir que de légères influences, est néanmoins celui de tous les animaux carnassiers dont l’espèce est la plus variée ; il semble suivre exactement dans ses dégradations les différences du climat ; il est nu dans les pays les plus chauds, couvert d’un poil épais et rude dans les contrées du Nord, paré d’une belle robe soyeuse en Espagne, en Syrie, où la douce température de l’air change le poil de la plupart des animaux en une sorte de soie ; mais indépendamment de ces variétés extérieures qui sont produites par la seule influence du climat, il y a d’autres altérations dans cette espèce qui proviennent de sa condition, de sa captivité, ou, si l’on veut, de l’état de société du chien avec l’homme. L’augmentation ou la diminution de la taille viennent des soins que l’on a pris d’unir ensemble les plus grands ou les plus petits individus ; l’accourcissement de la queue, du museau, des oreilles, provient aussi de la main de l’homme ; les chiens auxquels, de génération en génération, on a coupé les oreilles et la queue, transmettent ces défauts en tout ou en partie à leurs descendants. J’ai vu des chiens nés sans queue, que je pris d’abord pour des monstres individuels dans l’espèce ; mais je me suis assuré, depuis, que cette race existe et qu’elle se perpétue par la génération. Et les oreilles pendantes, qui sont le signe le plus général et le plus certain de la servitude domestique, ne se trouvent-elles pas dans presque tous les chiens ? Sur environ trente races différentes, dont l’espèce est aujourd’hui composée, il n’y en a que deux ou trois qui aient conservé leurs oreilles primitives : le chien de berger, le chien-loup et les chiens du

  1. Cette explication est un peu enfantine. L’assertion elle-même est probablement inexacte. Il n’est nullement démontré que l’alimentation agisse davantage, comme agent de transformation, sur les herbivores que sur les carnivores.