Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/417

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union[1]. La même chose est arrivée plusieurs années auparavant dans un lieu voisin[2], de manière que le fait ne parut pas nouveau à la plupart de ceux qui en étaient témoins. Les animaux, quoique d’espèces très différentes, se prennent donc souvent en affection, et peuvent par conséquent, dans de certaines circonstances, se prendre entre eux d’une forte passion, car il est certain que la seule chose qui ait empêché, dans ces deux exemples, l’union du chien avec la truie, ne vient que de la conformation des parties, qui ne peuvent aller ensemble ; mais il n’est pas également certain que quand il y aurait eu intromission et même accouplement consommé, la production eût suivi. Il est souvent arrivé que plusieurs animaux d’espèces différentes se sont accouplés librement et sans y être forcés ; ces unions volontaires devraient être prolifiques, puisqu’elles supposent les plus grands obstacles levés, la répugnance naturelle surmontée, et assez de convenance entre les parties de la génération. Cependant ces accouplements, quoique volontaires, et qui sembleraient annoncer du produit, n’en donnent aucun ; je puis en citer un exemple récent et qui s’est pour ainsi dire passé sous mes yeux. En 1767 et années suivantes, dans ma terre de Buffon, le meunier avait une jument et un taureau qui habitaient dans la même étable et qui avaient pris tant de passion l’un pour l’autre que dans tous les temps la jument se trouvait en chaleur le taureau ne manquait jamais de la couvrir trois ou quatre fois par jour, dès qu’il se trouvait en liberté ; ces accouplements, réitérés nombre de fois pendant plusieurs années, donnaient au maître de ces animaux de grandes espérances d’en voir le produit. Cependant il n’en a jamais rien résulté ; tous les habitants du lieu ont été témoins de l’accouplement très réel et très réitéré de ces deux animaux pendant plusieurs années[3], et en même temps de la nullité du produit. Ce fait très certain paraît donc prouver qu’au moins dans notre climat le taureau n’engendre pas avec la jument, et c’est ce qui me fait douter très légitimement de cette première sorte de jumart. Je n’ai pas des faits aussi positifs à opposer contre la seconde sorte de jumarts dont parle le docteur Shaw, et qu’il dit provenir de l’âne et de la vache. J’avoue même que, quoique le nombre des disconvenances de nature paraisse à peu près égal dans ces deux cas, le témoignage positif d’un voyageur aussi instruit que le docteur Shaw semble donner plus de probabilité à l’existence de ces seconds jumarts qu’il n’y en a pour les premiers. Et à l’égard du troisième jumart provenant du taureau et de l’ânesse, je suis bien persuadé,

  1. Ce fait est arrivé chez M. le comte de la Feuillée, dans sa terre de Froslois, en Bourgogne.
  2. À Billy, près Chanceau, en Bourgogne.
  3. Je n’étais pas informé du fait que je cite ici lorsque j’ai écrit que, les parties de la génération du taureau et de la jument étant très différentes dans leurs proportions et dimensions, je ne présumais pas que ces animaux pussent se joindre avec succès et même avec plaisir, car il est certain qu’ils se joignaient avec plaisir, quoiqu’il n’ait jamais rien résulté de leur union.