Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/42

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CHAPITRE III

DE LA NUTRITION ET DU DÉVELOPPEMENT

Le corps d’un animal est une espèce de moule intérieur, dans lequel la matière qui sert à son accroissement se modèle et s’assimile au total ; de manière que, sans qu’il arrive aucun changement à l’ordre et à la proportion des parties, il en résulte cependant une augmentation dans chaque partie prise séparément, et c’est cette augmentation de volume qu’on appelle développement, parce qu’on a cru en rendre raison en disant que l’animal étant formé en petit comme il l’est en grand, il n’était pas difficile de concevoir que ses parties se développaient à mesure qu’une matière accessoire venait augmenter proportionnellement chacune de ces parties[NdÉ 1].

Mais cette même augmentation, ce développement, si on veut en avoir une idée nette, comment peut-il se faire, si ce n’est en considérant le corps de l’animal, et même chacune de ses parties qui doivent se développer, comme autant de moules intérieurs qui ne reçoivent la matière accessoire que dans l’ordre qui résulte de la position de toutes leurs parties ? Et ce qui prouve que ce développement ne peut pas se faire, comme on se le persuade ordinairement, par la seule addition aux surfaces, et qu’au contraire il s’opère par une susception intime et qui pénètre la masse, c’est que dans la partie qui se développe le volume et la masse augmentent proportionnellement et sans changer de forme ; dès lors, il est nécessaire que la matière qui sert à ce développement pénètre, par quelque voie que ce puisse être, l’intérieur de la partie et la pénètre dans toutes les dimensions ; et cependant il est en même temps tout aussi nécessaire que cette pénétration de substance se fasse dans un certain ordre et avec une certaine mesure, telle qu’il n’arrive

  1. Il suffit, dans cc paragraphe et les suivants, de supprimer le terme de « moule intérieur » qui est une sorte de superfétation, pour que la proposition exprimée devienne absolument juste. Buffon constate avec raison, d’une part, que le développement résulte de l’augmentation de masse de chacune des parties de l’organisme, et, d’autre part, que l’accroissement des parties élémentaires se fait par une véritable intussusception, ou, comme il le dit, par une « susception intime » de la masse, c’est-à-dire que les molécules nouvelles pénètrent entre les molécules préexistantes les plus profondément situées, dans tous les points également, de manière à ce que la forme ne soit pas modifiée.