Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/436

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ration, n’ont produit qu’une seule fois en deux ans, car le mâle et la femelle de la première génération, qui ont produit pour la première fois le 3 mars 1776, et que j’ai envoyés à la ménagerie de Versailles au mois de novembre de la même année, n’ont produit pour la seconde fois qu’au printemps de 1778 ; et de même le mâle et la femelle de la seconde génération, qui ont produit pour la première fois dans ma terre de Buffon, n’avaient pas donné le moindre signe de chaleur ou d’amour vingt et un mois après leur première production.

Et à l’égard de la fécondité dans l’espèce du loup vivant dans l’état de nature, nous avons plusieurs raisons de croire qu’elle n’est pas aussi grande qu’on a voulu le dire, et qu’au lieu de produire une fois chaque année, le loup ne produit en effet qu’une seule fois en deux et peut-être même en trois ans : car, 1o il paraît certain que si la louve mettait bas tous les ans six ou sept petits, comme plusieurs auteurs l’assurent, l’espèce du loup serait beaucoup plus nombreuse, malgré la guerre que l’on ne cesse de faire à cet ennemi de nos troupeaux ; d’ailleurs, l’analogie semble être ici une preuve que l’on ne peut récuser. Nos animaux métis, par leurs facultés intérieures, ainsi que par l’odeur et par plusieurs autres caractères extérieurs, avaient tant de rapport avec le loup, qu’il n’est guère possible de croire qu’ils en différaient dans un des points les plus essentiels, qui est la fécondité. 2o Pour un loup que l’on tue, il y a peut-être cent chiens qui subissent le même sort, et néanmoins cette dernière espèce est encore infiniment plus nombreuse que celle du loup, quoique, selon toute apparence, elle ne soit que quatre fois plus féconde. 3o On peut encore remarquer que lorsqu’on a vu dans une forêt une portée de jeunes louveteaux avec leur mère, il n’est pas ordinaire d’y en voir l’année suivante, quoique cette mère n’ait pas changé de lieu, à moins qu’il n’y ait encore d’autres louves avec elle ; et si la louve mettait bas tous les ans, on verrait chaque année, au contraire, les petits conduits par leur mère, se répandre au printemps dans les campagnes pour y chercher leur nourriture ou leur proie : mais comme nous n’avons pas d’exemple de ce fait, et que d’ailleurs toutes les raisons que nous venons d’exposer nous paraissent fondées, nous persistons à croire que la louve ne produit tout au plus qu’une fois en deux ans[NdÉ 1] comme les femelles de nos animaux métis.

Le 4 mars 1779, la femelle métisse de la seconde génération mit bas ses petits qui étaient au nombre de sept, et qui parurent être de couleur brune ou noirâtre comme le père, ou comme de jeunes louveteaux qui viennent de naître ; et comme cette femelle avait été couverte le 30 ou 31 décembre précédent, il est évident que le temps de la gestation n’a été que de soixante-trois jours comme dans l’espèce du chien, et non pas de trois mois et demi, comme on le dit, mais peut-être sans fondement, de l’espèce du loup ; car en

  1. On sait aujourd’hui que la louve, dans les conditions normales, produit tous les ans.