Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/46

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de figures semblables toutes organisées de même, et c’est par cette raison que les corps les plus simples, les espèces les plus imparfaites sont celles qui se reproduisent le plus aisément et le plus abondamment ; au lieu que, si un corps organisé ne contient que quelques parties semblables à lui-même, alors il n’y a que ces parties qui puissent arriver au second développement, et par conséquent la reproduction ne sera ni aussi facile ni aussi abondante dans ces espèces qu’elle l’est dans celles dont toutes les parties sont semblables au tout ; mais aussi l’organisation de ces corps sera plus composée que celle des corps dont toutes les parties sont semblables, parce que le corps entier sera composé de parties, à la vérité toutes organiques, mais différemment organisées, et plus il y aura dans le corps organisé de parties différentes du tout, et différentes entre elles, plus l’organisation de ce corps sera parfaite et plus la reproduction sera difficile.

Se nourrir, se développer et se reproduire sont donc les effets d’une seule et même cause ; le corps organisé se nourrit par les parties des aliments qui lui sont analogues, il se développe par la susception intime des parties organiques qui lui conviennent, et il se reproduit parce qu’il contient quelques parties organiques qui lui ressemblent[NdÉ 1]. Il reste maintenant à examiner si ces parties organiques, qui lui ressemblent, sont venues dans le corps organisé par la nourriture, ou bien si elles y étaient auparavant. Si nous supposons qu’elles y étaient auparavant, nous retombons dans le progrès à l’infini des parties ou germes semblables contenus les uns dans les autres, et nous avons fait voir l’insuffisance et les difficultés de cette hypothèse ; ainsi nous pensons que les parties semblables au tout arrivent au corps organisé par la nourriture, et il nous paraît qu’on peut, après ce qui a été dit, concevoir la manière dont elles arrivent et dont les molécules organiques qui doivent les former peuvent se réunir.

Il se fait, comme nous l’avons dit, une séparation de parties dans la nourriture : celles qui ne sont point organiques, et qui par conséquent ne sont point analogues à l’animal ou au végétal, sont rejetées hors du corps organisé

  1. Il est facile de se rendre compte, par la lecture attentive de tout le passage relatif à « la troisième question » posée par Buffon, qu’il n’avait une idée nette ni de son « moule intérieur », ni de « ces parties intérieures semblables à l’animal tout entier », auxquelles il attribue la faculté de le reproduire. Son « moule intérieur » n’est évidemment qu’une image destinée à traduire sa pensée. Quant à la « partie intérieure semblable au tout », il indique suffisamment qu’il ne la considère comme « semblable » que virtuellement, c’est-à-dire qu’elle a simplement la faculté de se développer en une forme nouvelle semblable à celle dont elle faisait partie. Cette interprétation, la seule qu’on puisse donner des paroles de Buffon, étant admise, on est émerveillé de la sagacité avec laquelle le grand naturaliste résout la question de la reproduction. Ainsi qu’il le dit, la nutrition, le développement et la reproduction sont les effets d’une seule et même cause ou, si l’on veut, les trois faces différentes d’un même phénomène. Il a aussi très bien vu que, moins un organisme vivant est élevé, moins les différentes parties de son être sont différenciées, et plus chacune de ces parties a les qualités nécessaires pour reproduire l’organisme dont on la détache. (Voyez mon Introduction.)