Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/47

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par la transpiration et par les autres voies excrétoires ; celles qui sont organiques restent et servent au développement et à la nourriture du corps organisé[NdÉ 1] ; mais dans ces parties organiques il doit y avoir beaucoup de variétés et des espèces de parties organiques très différentes les unes des autres ; et, comme chaque partie du corps organisé reçoit les espèces qui lui conviennent le mieux, et dans un nombre et une proportion assez égale, il est très naturel d’imaginer que le superflu de cette matière organique qui ne peut pas pénétrer les parties du corps organisé parce qu’elles ont reçu tout ce qu’elles pouvaient recevoir, que ce superflu, dis-je, soit renvoyé de toutes les parties du corps dans un ou plusieurs endroits communs où, toutes ces molécules organiques se trouvant réunies, elles forment de petits corps organisés semblables au premier, et auxquels il ne manque que les moyens de se développer ; car toutes les parties du corps organisé renvoyant des parties organiques semblables à celles dont elles sont elles-mêmes composées, il est nécessaire que de la réunion de toutes ces parties il résulte un corps organisé semblable au premier : cela étant entendu, ne peut-on pas dire que c’est par cette raison que, dans le temps de l’accroissement et du développement, les corps organisés ne peuvent encore produire ou ne produisent que peu, parce que les parties qui se développent absorbent la quantité entière des molécules organiques qui leur sont propres, et que n’y ayant point de parties superflues, il n’y en a point de renvoyées de chaque partie du corps, et par conséquent il n’y a encore aucune reproduction[NdÉ 2].

Cette explication de la nutrition et de la reproduction ne sera peut-être pas reçue de ceux qui ont pris pour fondement de leur philosophie de n’admettre qu’un certain nombre de principes mécaniques, et de rejeter tout ce qui ne dépend pas de ce petit nombre de principes. C’est là, diront-ils, cette grande différence qui est entre la vieille philosophie et celle d’aujourd’hui ; il n’est plus permis de supposer des causes, il faut rendre raison de tout par les lois de la mécanique, et il n’y a de bonnes explications que celles qu’on en peut déduire ; et comme celle que vous donnez de la nutrition et de la reproduction n’en dépend pas, nous ne devons pas l’admettre. J’avoue que je pense bien différemment de ces philosophes ; il me semble qu’en n’admet-

  1. La « séparation de parties dans la nourriture » dont parle Buffon s’effectue réellement, mais non pas de la façon dont il l’entend. La seule séparation qui se fasse est celle des corps qui peuvent être absorbés par la surface intestinale et des corps qui ne sont pas absorbables ou qui, pour une cause ou une autre, ne sont pas absorbés. Parmi les premiers, figurent aussi bien des corps inorganiques, comme l’eau, les sels, etc., que des corps organiques comme l’albumine, et les uns et les autres sont destinés à servir à l’accroissement des éléments anatomiques en les pénétrant et en se combinant avec leurs principes constituants. L’erreur de Buffon, dans toute cette question, est de croire que « les parties organiques » seules servent à la nutrition et au développement des êtres vivants.
  2. La pensée exprimée dans cette dernière phrase est juste. Il est vrai que la reproduction n’est que la conséquence d’une sorte de suractivité de la nutrition et du développement. (Voyez mon Introduction.) [Note de Wikisource : Idée aujourd’hui complètement périmée.]