Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/462

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habite en Espagne, aurait sans doute été remarquée si elle se fût trouvée en Amérique ; mais comme aucun de leurs historiens ou de leurs voyageurs n’en fait mention, il est clair que c’est encore un animal particulier à l’ancien continent, dans lequel il habite les parties méridionales de l’Europe, et celles de l’Asie qui sont à peu près sous cette même latitude.

Quoiqu’on ait prétendu que la civette se trouvait à la Nouvelle-Espagne, nous pensons que ce n’est point la civette de l’Afrique et des Indes, dont on tire le musc que l’on mêle et prépare avec celui que l’on tire aussi de l’animal appelé hiam[NdÉ 1] à la Chine, et nous regardons la vraie civette comme un animal des parties méridionales de l’ancien continent, qui ne s’est pas répandu vers le Nord, et qui n’a pu passer dans le nouveau.

Les chats étaient, comme les chiens, tout à fait étrangers au nouveau monde, et je suis maintenant persuadé que l’espèce n’y existait point, quoique j’ai cité[1] un passage par lequel il paraît qu’un homme de l’équipage de Christophe Colomb avait trouvé et tué sur la côte de ces nouvelles terres un chat sauvage ; je n’étais pas alors aussi instruit que je le suis aujourd’hui de tous les abus que l’on a fait des noms, et j’avoue que je ne connaissais pas encore assez les animaux pour distinguer nettement dans les témoignages des voyageurs les noms usurpés, les dénominations mal appliquées, empruntées ou factices ; et l’on n’en sera peut-être pas étonné, puisque les nomenclateurs, dont les recherches se bornent à ce seul point de vue, loin d’avoir éclairci la matière, l’ont encore embrouillée par d’autres dénominations et des phrases relatives à des méthodes arbitraires, toujours plus fautives que le coup d’œil et l’inspection. La pente naturelle que nous avons à comparer les choses que nous voyons pour la première fois à celles qui nous sont déjà connues, jointe à la difficulté presque invincible qu’il y avait à prononcer les noms donnés aux choses par les Américains, sont les deux causes de cette mauvaise application des dénominations, qui depuis a produit tant d’erreurs. Il est, par exemple, bien plus commode de donner à un animal nouveau le nom de sanglier[2] ou de cochon noir, que de prononcer son nom mexicain, quauh-coyamelt ; de même, il était plus aisé d’en appeler un autre renard américain[3], que de lui conserver son nom brésilien tamandua-guaeu ; de nommer de même mouton ou chameau[4] du Pérou des animaux qui dans cette langue se nommaient pelon-iehia-oquitli ; on a de même appelé cochon d’eau[5] le cabiai ou cabionara, ou capybara, quoique ce soit un animal

  1. Voyez l’article du chat.
  2. Voyez le Voyage de Desmarchais, t. III, p. 112 ; et l’Essai sur l’Histoire naturelle de la France équinoxiale, par Barrère. Paris, 1740, avec l’Histoire du Mexique, par Hernandès, p. 637 ; et l’Histoire de la Nouvelle-Espagne, par Fernandès, p. 8.
  3. Voyez Desmarchais, t. III, p. 307.
  4. Voyez Hernandès, Histoire du Mexique, p. 660.
  5. Voyez Desmarchais, t. III, p. 314.
  1. Moschus moschiferus.