Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/463

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très différent d’un cochon ; le carigueibeju s’est appelé loutre. Il en est de même de presque tous les autres animaux du nouveau monde, dont les noms étaient si barbares et si étrangers pour les Européens qu’ils cherchèrent à leur en donner d’autres par des ressemblances, quelquefois heureuses, avec les animaux de l’ancien continent ; mais souvent aussi par de simples rapports, trop éloignés pour fonder l’application de ces dénominations. On a regardé comme des lièvres et des lapins cinq ou six espèces de petits animaux, qui n’ont guère d’autre rapport avec les lièvres et les lapins que d’avoir, comme eux, la chair bonne à manger. On a appelé vache ou élan un animal sans cornes ni bois, que les Américains nommaient tapiierete au Brésil, et manipouris à la Guyane, que les Portugais ont ensuite appelé anta, et qui n’a d’autre rapport avec la vache ou l’élan, que celui de leur ressembler un peu par la forme du corps[NdÉ 1]. Les uns ont comparé le pak ou le paca[NdÉ 2] au lapin, et les autres ont dit qu’il était semblable à un pourceau[1] de deux mois. Quelques-uns ont regardé le philandre comme un rat, et l’ont appelé rat de bois ; d’autres l’ont pris pour un petit renard[2]. Mais il n’est pas nécessaire d’insister ici plus longtemps sur ce sujet, ni d’exposer dans un plus grand détail les fausses dénominations que les voyageurs, les historiens et les nomenclateurs ont appliquées aux animaux de l’Amérique, parce que nous tâcherons de les indiquer et de les corriger, autant que nous le pourrons, dans la suite de ce discours, et lorsque nous traiterons de chacun de ces animaux en particulier.

On voit que toutes les espèces de nos animaux domestiques d’Europe, et les plus grands animaux sauvages de l’Afrique et de l’Asie, manquaient au nouveau monde ; il en est de même de plusieurs autres espèces moins considérables, dont nous allons faire mention le plus succinctement qu’il nous sera possible.

Les gazelles, dont il y a plusieurs espèces différentes, et dont les unes sont en Arabie, les autres dans l’Inde orientale et les autres en Afrique, ont toutes à peu près également besoin d’un climat chaud pour subsister et se multiplier : elles ne se sont donc jamais étendues dans les pays du nord de l’ancien continent pour passer dans le nouveau ; aussi ces espèces d’Afrique et d’Asie ne s’y sont pas trouvées : il paraît seulement qu’on y a transporté l’espèce qu’on a appelée gazelle d’Afrique, et qu’Hernandès nomme algazel[3] ex Aphricâ. L’animal de la Nouvelle-Espagne, que le même auteur appelle temamaçame, que Seba désigne par le nom de cervus, Klein

  1. Voyez l’Histoire du nouveau monde, par Jean de Læt, p. 481 et suiv.
  2. Vide Klein, De quadrup., p. 59 ; et Barrère, Histoire de la France équinoxiale, p. 166.
  3. Voyez Hernandès, Histoire du Mexique, p. 512.
  1. C’est le tapir.
  2. C’est le Cavia paca.