Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/475

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nous a paru le même animal ; il habite les pays froids de préférence, mais il ne laisse pas de vivre et de multiplier sous les climats tempérés, et il se tient ordinairement dans les forêts et sur les montagnes.

Le phoca ou veau marin paraît confiné dans les pays du Nord, et se trouve également dans les côtes de l’Europe et de l’Amérique septentrionales.

Voilà tous les animaux, à très peu près, qu’on peut regarder comme communs aux deux continents de l’ancien et du nouveau monde ; et dans ce nombre qui, comme l’on voit, n’est pas considérable, on doit en retranche peut-être encore plus d’un tiers, dont les espèces, quoique assez semblables en apparence, peuvent cependant être réellement différentes. Mais, en admet tant même dans tous ces animaux l’identité d’espèce avec ceux d’Europe on voit que le nombre de ces espèces communes aux deux continents est assez petit en comparaison de celui des espèces qui sont propres et particulières à chacun des deux : on voit de plus qu’il n’y a de tous ces animaux que ceux qui habitent ou fréquentent les terres du Nord qui soient communs aux deux mondes, et qu’aucun de ceux qui ne peuvent se multiplier que dans les pays chauds ou tempérés ne se trouvent à la fois dans tous les deux.

Il ne paraît donc plus douteux que les deux continents ne soient ou n’aient été contigus vers le Nord, et que les animaux qui leur sont communs n’aient passé de l’un à l’autre par des terres qui nous sont inconnues. On serait fondé à croire, surtout d’après les nouvelles découvertes des Russes au nord de Kamtschatka, que c’est avec l’Asie que l’Amérique communique par des terres contiguës, et il semble, au contraire, que le nord de l’Europe en soit et en ait été toujours séparé par des mers assez considérables pour qu’aucun animal quadrupède n’ait pu les franchir ; cependant les animaux du nord de l’Amérique ne sont pas précisément ceux du nord de l’Asie, ce sont plutôt ceux du nord de l’Europe. Il en est de même des animaux des contrées tempérées : l’argali[1], la zibeline, la taupe dorée de Sibérie, le musc de la Chine, ne se trouvent point à la baie d’Hudson, ni dans aucune autre partie du nord-ouest du nouveau continent ; on trouve, au contraire, dans les terres du nord-est de l’Amérique non seulement les animaux communs à celles du nord en Europe et en Asie, mais aussi ceux qui semblent être particuliers à l’Europe seule, comme l’élan, le renne, etc. ; néanmoins il faut avouer que les parties orientales du nord de l’Asie sont encore si peu connues qu’on ne peut pas assurer si les animaux du nord de l’Europe s’y trouvent ou ne s’y trouvent pas.

Nous avons remarqué, comme une chose très singulière, que dans le nouveau continent les animaux des provinces méridionales sont tous très petits

  1. Argali, animal de Sibérie dont M. Gmelin donne une bonne description dans le Ier tome de ses Voyages, p. 368, et qu’il croît être le même que le musimon ou mouflon des anciens. Pline a parlé de cet animal, et Gessner en fait mention dans son Hist. des quadrup., p. 934 et 935.