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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/484

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François Valentin connaissait si peu les animaux et les poissons d’Amboine, ou que ses descriptions sont si mauvaises, qu’Artedi lui en fait le reproche, et déclare qu’il n’est pas possible de les reconnaître aux notices qu’il en donne.

Au reste, nous ne prétendons pas assurer affirmativement et généralement que de tous les animaux qui habitent les climats les plus chauds de l’un ou de l’autre continent, aucun ne se trouve dans tous les deux à la fois ; il faudrait, pour en être physiquement certain, les avoir tous vus : nous prétendons seulement en être moralement sûrs, puisque cela est évident pour tous les grands animaux, lesquels seuls ont été remarqués et bien désignés par les voyageurs ; que cela est encore assez clair pour la plupart des petits, et qu’il en reste peu sur lesquels nous ne puissions prononcer[NdÉ 1]. D’ailleurs, quand il se trouverait à cet égard quelques exceptions évidentes (ce que j’ai bien de la peine à imaginer), elles ne porteraient jamais que sur un très petit nombre d’animaux, et ne détruiraient pas la loi générale que je viens d’établir, et qui me paraît être la seule boussole qui puisse nous guider dans la connaissance des animaux. Cette loi, qui se réduit à les juger autant par le climat et par le naturel, que par la figure et la conformation, se trouvera très rarement en défaut, et nous fera prévenir ou reconnaître beaucoup d’erreurs. Supposons, par exemple, qu’il soit question d’un animal d’Arabie, tel que l’hyène, nous pourrons assurer, sans crainte de nous tromper, qu’il ne se trouve point en Laponie, et nous ne dirons pas, comme quelques-uns de nos naturalistes, que l’hyène[1] et le glouton sont le même animal. Nous ne dirons pas, avec Kolbe[2], que le renard croisé, qui habite les parties les plus boréales de l’ancien et du nouveau continent, se trouve en même temps au cap de Bonne-Espérance, et nous trouverons que l’animal dont il parle n’est point un renard, mais un chacal. Nous reconnaîtrons que l’animal du cap de Bonne-Espérance, que le même auteur désigne par le nom de cochon de terre, et qui vit de fourmis, ne doit pas être confondu avec les fourmiliers d’Amérique, et qu’en effet cet animal du Cap est vraisemblablement le lézard écailleux[3], qui n’a de commun avec les fourmiliers que de manger des fourmis. De même, s’il eût fait attention que l’élan[4] est un animal du Nord, il n’eût pas appelé de ce nom un animal d’Afrique, qui n’est qu’une gazelle. Le phoca, qui n’habite que les rivages des mers septentrionales, ne doit pas se trouver au cap de Bonne-Espérance[5]. La genette, qui est un

  1. Voyez le Règne animal, par M. Brisson, p. 234.
  2. Voyez la Description du cap de Bonne-Espérance, par Kolbe. Amsterd., 1741, t. III, p. 62.
  3. Idem, ibid., p. 43.
  4. Idem, ibid., p. 128, Voyez aussi le Règne animal, etc.
  5. Voyez le Règne animal, par M. Brisson, p. 230, où il est dit, d’après Kolbe, que le phoca s’appelle chien marin par les habitants du cap de Bonne-Espérance.
  1. La proposition de Buffon qu’aucune espèce du sud de l’Amérique ne se trouve dans le sud de l’ancien continent a été confirmée par toutes les observations faites depuis un siècle.