Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/51

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cules brutes ; la séparation des unes et des autres se fait dans le corps de l’animal ou de la plante ; tous deux rejettent par différentes voies excrétoires les parties brutes, les molécules organiques restent ; celles qui sont les plus analogues à chaque partie du puceron ou de l’oignon pénètrent ces parties qui sont autant de moules intérieurs différents les uns des autres, et qui n’admettent par conséquent que les molécules organiques qui leur conviennent ; toutes les parties du corps du puceron et de celui de l’oignon se développent par cette intussusception des molécules qui leur sont analogues ; et lorsque ce développement est à un certain point, que le puceron a grandi et que l’oignon a grossi assez pour être un puceron adulte et un oignon formé, la quantité de molécules organiques qu’ils continuent à recevoir par la nourriture, au lieu d’être employée au développement de leurs différentes parties, est renvoyée de chacune de ces parties dans un ou plusieurs endroits de leurs corps, où ces molécules organiques se rassemblent et se réunissent par une force semblable à celle qui leur faisait pénétrer les différentes parties du corps de ces individus ; elles forment par leur réunion un ou plusieurs petits corps organisés, entièrement semblables au puceron ou à l’oignon ; et, lorsque ces petits corps organisés sont formés, il ne leur manque plus que les moyens de se développer, ce qui se fait dès qu’ils se trouvent à portée de la nourriture : les petits pucerons sortent du corps de leur père et la cherchent sur les feuilles des plantes ; on sépare de l’oignon son caïeu, et il la trouve dans le sein de la terre[NdÉ 1].

Mais comment appliquerons-nous ce raisonnement à la génération de l’homme et des animaux qui ont des sexes, et pour laquelle il est nécessaire que deux individus concourent ? On entend bien, par ce qui vient d’être dit, comment chaque individu peut produire son semblable, mais on ne conçoit pas comment deux individus, l’un mâle et l’autre femelle, en produisent un troisième qui a constamment l’un ou l’autre de ces sexes ; il semble même que la théorie qu’on vient de donner nous éloigne de l’explication de cette espèce de génération, qui cependant est celle qui nous intéresse le plus.

  1. Buffon explique nettement dans cette page la pensée qu’il a émise plus haut d’une manière beaucoup plus vague. Il nous fait bien comprendre le sens qu’il attache à son terme de « parties semblables au tout » et comment il explique cette ressemblance. Quoique erronée, sa manière de voir est très remarquable, parce qu’elle a le mérite de faire rentrer le problème de la génération dans le domaine de ceux que l’expérience peut résoudre, et dont la solution doit être cherchée dans les phénomènes physiques seuls. Je ne reviendrai pas ici sur les détails dans lesquels je suis entré à ce sujet dans mon Introduction. Je me borne à mettre en relief, en la résumant, la façon dont Buffon explique que se forment les parties destinées à reproduire l’organisme. Des molécules de matière organique qui se trouvent en surabondance se réunissent de tous les points du corps pour former « un ou plusieurs petits corps organisés » qui, étant constitués par des matières venues de toutes les parties du corps, auront en puissance toutes les qualités du corps entier et seront susceptibles, en s’accroissant, de produire un corps nouveau semblable au premier.