Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/56

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simple addition de parties et par une augmentation superficielle, mais par une pénétration intime, produite par une force qui agit dans tous les points de la masse ; et lorsque les parties du corps sont au point de développement nécessaire, et qu’elles sont presque entièrement remplies de ces molécules analogues, comme leur substance est devenue plus solide, je conçois qu’elles perdent la faculté d’attirer ou de recevoir ces molécules, et alors la circulation continuera de les emporter et de les présenter successivement à toutes les parties du corps, lesquelles ne pouvant plus les admettre, il est nécessaire qu’il s’en fasse un dépôt quelque part, comme dans les testicules et les vésicules séminales. Ensuite cet extrait du mâle, étant porté dans l’individu de l’autre sexe, se mêle avec l’extrait de la femelle, et, par une force semblable à la première, les molécules qui se conviennent le mieux se réunissent, et forment par cette réunion un petit corps organisé semblable à l’un ou à l’autre de ces individus, auquel il ne manque plus que le développement qui se fait ensuite dans la matrice de la femelle.

La seconde question, savoir si la femelle a en effet une liqueur séminale, demande un peu de discussion : quoique nous soyons en état d’y satisfaire pleinement, j’observerai, avant tout, comme une chose certaine, que la manière dont se fait l’émission de la semence de la femelle est moins marquée que dans le mâle ; car cette émission se fait ordinairement en dedans, Quod intrà se semen jacit, fœmina vocatur ; quod in hac jacit, mas, dit Aristote, art. 18 de Animalibus. Les anciens, comme l’on voit, doutaient si peu que les femelles eussent une liqueur séminale, que c’était par la différence de l’émission de cette liqueur qu’ils distinguaient le mâle de la femelle ; mais les physiciens, qui ont voulu expliquer la génération par les œufs ou par les animaux spermatiques, ont insinué que les femelles n’avaient point de liqueur séminale, que, comme elles répandent différentes liqueurs, on a pu se tromper si l’on a pris pour la liqueur séminale quelques-unes de ces liqueurs, et que la supposition des anciens sur l’existence d’une liqueur séminale dans la femelle était destituée de tout fondement : cependant cette liqueur existe, et, si l’on en a douté, c’est qu’on a mieux aimé se livrer à l’esprit de système que de faire des observations, et que d’ailleurs il n’était pas aisé de reconnaître précisément quelles parties servent de réservoir à cette liqueur séminale de la femelle ; celle qui part des glandes, qui sont au col de la matrice et aux environs de l’orifice de l’urètre, n’a pas de réservoir marqué, et comme elle s’écoule au dehors, on pourrait croire qu’elle n’est pas la liqueur prolifique, puisqu’elle ne concourt pas à la formation du fœtus, qui se fait dans la matrice ; la vraie liqueur séminale de la femelle doit avoir un autre réservoir, et elle réside en effet dans une autre partie, comme nous le ferons voir ; elle est même assez abondante, quoiqu’il ne soit pas nécessaire qu’elle soit en grande quantité, non plus que celle du mâle, pour produire un embryon ; il suffit qu’une petite quantité de cette liqueur mâle puisse entrer dans la ma-