Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trice, soit par son orifice, soit à travers le tissu membraneux de cette partie, pour pouvoir former un fœtus, si cette liqueur mâle rencontre la plus petite goutte de la liqueur femelle ; ainsi les observations de quelques anatomistes, qui ont prétendu que la liqueur séminale du mâle n’entrait point dans la matrice, ne font rien contre ce que nous avons dit, d’autant plus que d’autres anatomistes, fondés sur d’autres observations, ont prétendu le contraire : mais tout ceci sera discuté et développé avantageusement dans la suite.

Après avoir satisfait aux objections, voyons les raisons qui peuvent servir de preuves à notre explication. La première se tire de l’analogie qu’il y a entre le développement et la reproduction ; l’on ne peut pas expliquer le développement d’une manière satisfaisante, sans employer les forces pénétrantes et les affinités ou attractions que nous avons employées pour expliquer la formation des petits êtres organisés semblables aux grands. Une seconde analogie, c’est que la nutrition et la reproduction sont toutes deux non seulement produites par la même cause efficiente, mais encore par la même cause matérielle ; ce sont les parties organiques de la nourriture qui servent à toutes deux, et la preuve que c’est le superflu de la matière qui sert au développement qui est le sujet matériel de la reproduction, c’est que le corps ne commence à être en état de produire que quand il a fini de croître ; et l’on voit tous les jours dans les chiens et les autres animaux, qui suivent plus exactement que nous les lois de la nature, que tout leur accroissement est pris avant qu’ils cherchent à se joindre, et dès que les femelles deviennent en chaleur ou que les mâles commencent à chercher la femelle, leur développement est achevé en entier, ou du moins presque en entier : c’est même une remarque pour connaître si un chien grossira ou non, car on peut être assuré que, s’il est en état d’engendrer, il ne croîtra presque plus.

Une troisième raison qui me paraît prouver que c’est le superflu de la nourriture qui forme la liqueur séminale, c’est que les eunuques et tous les animaux mutilés grossissent plus que ceux auxquels il ne manque rien ; la surabondance de la nourriture, ne pouvant être évacuée faute d’organes, change l’habitude de leurs corps ; les hanches et les genoux des eunuques grossissent, la raison m’en paraît évidente : après que leur corps a pris l’accroissement ordinaire, si les molécules organiques superflues trouvaient une issue, comme dans les autres hommes, cet accroissement n’augmenterait pas davantage ; mais, comme il n’y a plus d’organes pour l’émission de la liqueur séminale, cette même liqueur, qui n’est que le superflu de la matière qui servait à l’accroissement, reste et cherche encore à développer davantage les parties : or on sait que l’accroissement des os se fait par les extrémités qui sont molles et spongieuses, et que, quand les os ont pris de la solidité, ils ne sont plus susceptibles de développement ni d’extension ; ce qui fait que les hanches, les genoux, etc., des eunuques grossissent considérablement, parce que les extrémités sont en effet les dernières parties qui s’ossifient.