Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/66

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lange des deux liqueurs séminales qui puissent se développer et venir au monde, n’aura-t-on pas raison de vous demander pourquoi cette voie de génération, qui est la plus compliquée, la plus difficile et la moins abondante en production, est celle que la nature a préférée et préfère d’une manière si marquée que presque tous les animaux se multiplient par cette voie de la communication du mâle avec la femelle ? Car, à l’exception du puceron, du polype d’eau douce et des autres animaux qui peuvent se multiplier d’eux-mêmes ou par la division et la séparation des parties de leur corps, tous les autres animaux ne peuvent produire leur semblable que par la communication de deux individus.

Je me contenterai de répondre à présent que la chose étant en effet telle qu’on vient de le dire, les animaux, pour la plus grande partie, ne se produisant qu’au moyen du concours du mâle et de la femelle, l’objection devient une question de fait, à laquelle, comme nous l’avons dit dans le chapitre II, il n’y a d’autre solution à donner que celle du fait même. Pourquoi les animaux se produisent-ils par le concoure des deux sexes ? La réponse est : parce qu’ils se produisent en effet ainsi ; mais, insistera-t-on, c’est la voie de reproduction la plus compliquée, même suivant votre explication. Je l’avoue, mais cette voie la plus compliquée pour nous est apparemment la plus simple pour la nature ; et si, comme nous l’avons remarqué, il faut regarder comme le plus simple dans la nature ce qui arrive le plus souvent, cette voie de génération sera dès lors la plus simple, ce qui n’empêche pas que nous ne devions la juger comme la plus composée, parce que nous ne la jugeons pas en elle-même, mais seulement par rapport à nos idées et suivant les connaissances que nos sens et nos réflexions peuvent nous en donner.

Au reste, il est aisé de voir que ce sentiment particulier des aristotéliciens, qui prétendaient que les femelles n’avaient aucune liqueur prolifique, ne peut pas subsister, si l’on fait attention aux ressemblances des enfants à la mère, des mulets à la femelle qui les produit, des métis et des mulâtres qui tous prennent autant et souvent plus de la mère que du père ; si d’ailleurs on pense que les organes de la génération des femelles sont, comme ceux des mâles, conformés de façon à préparer et recevoir la liqueur séminale, on se persuadera facilement que cette liqueur doit exister, soit qu’elle réside dans les vaisseaux spermatiques, ou dans les testicules, ou dans les cornes de la matrice, ou que ce soit cette liqueur qui, lorsqu’on la provoque, sort par les lacunes de Graaf, tant aux environs du col de la matrice qu’aux environs de l’orifice externe de l’urètre.

Mais il est bon de développer ici plus en détail les idées d’Aristote au sujet de la génération des animaux, parce que ce grand philosophe est celui de tous les anciens qui a le plus écrit sur cette matière et qui l’a traitée le plus généralement. Il distingue les animaux en trois espèces : les uns qui ont du