Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

ils ont dit que, comme les femelles avaient la liqueur menstruelle, et que cette liqueur était nécessaire et suffisante à la génération, il ne paraissait pas naturel de leur en accorder une autre, et qu’on pouvait penser que ce sang menstruel est en effet la seule liqueur fournie par les femelles pour la génération, puisqu’elle commençait à paraître dans le temps de la puberté, comme la liqueur séminale du mâle commence aussi à paraître dans ce temps : d’ailleurs, disent-ils, si la femelle a réellement une liqueur séminale et prolifique, comme celle du mâle, pourquoi les femelles ne produisent-elles pas d’elles-mêmes et sans l’approche du mâle, puisqu’elles contiennent le principe prolifique aussi bien que la matière nécessaire pour la nourriture et pour le développement de l’embryon ? Cette dernière raison me semble être la seule qui mérite quelque attention. Le sang menstruel paraît être en effet nécessaire à l’accomplissement de la génération, c’est-à-dire à l’entretien, à la nourriture et au développement du fœtus, mais il peut bien n’avoir aucune part à la première formation qui doit se faire par le mélange de deux liqueurs également prolifiques ; les femelles peuvent donc avoir, comme les mâles, une liqueur séminale prolifique pour la formation de l’embryon, et elles auront de plus ce sang menstruel pour la nourriture et le développement du fœtus ; mais il est vrai qu’on serait assez porté à imaginer que la femelle ayant en effet une liqueur séminale qui est un extrait, comme nous l’avons dit, de toutes les parties de son corps, et ayant de plus tous les moyens nécessaires pour le développement, elle devrait produire d’elle-même des femelles sans communication avec le mâle ; il faut même avouer que cette raison métaphysique, que donnent les aristotéliciens pour prouver que les femelles n’ont point de liqueur prolifique, peut devenir l’objection la plus considérable qu’on puisse faire contre tous les systèmes de la génération, et en particulier contre notre explication : voici cette objection.

Supposons, me dira-t-on, comme vous croyez l’avoir prouvé, que ce soit le superflu des molécules organiques semblables à chaque partie du corps, qui, ne pouvant plus être admis dans ces parties pour les développer, en est renvoyé dans les testicules et les vésicules séminales du mâle ; pourquoi, par les forces d’affinité que vous avez supposées, ne forment-elles pas là de petits êtres organisés semblables en tout au mâle ? Et de même, pourquoi les molécules organiques, renvoyées de toutes les parties du corps de la femelle dans les testicules ou dans la matrice de la femelle, ne forment-elles pas aussi des corps organisés semblables en tout à la femelle ? Et si vous me répondez qu’il y a apparence que les liqueurs séminales du mâle et de la femelle contiennent en effet chacune des embryons tout formés, que la liqueur du mâle ne contient que des mâles, que celle de la femelle ne contient que des femelles, mais que tous ces petits êtres organisés périssent faute de développement, et qu’il n’y a que ceux qui se forment actuellement par le mé-