Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/83

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Vers la fin d’octobre ou au commencement de novembre, lorsque les femelles se séparent des mâles, l’épaisseur des cornes de la matrice commence à diminuer, et la surface intérieure de leur cavité se tuméfie et paraît enflée, les parois intérieures se touchent et paraissent collées ensemble, les caroncules subsistent, et le tout est si mollasse qu’on ne peut y toucher, et ressemble à la substance de la cervelle. Vers le 13 ou 14 de novembre, Harvey dit qu’il aperçut des filaments, comme ceux des toiles d’araignée, qui traversaient les cavités des cornes de la matrice, et celle de la matrice même ; ces filaments partaient de l’angle supérieur des cornes, et par leur multiplication formaient une espèce de membrane ou tunique vide. Un jour ou deux après, cette tunique ou ce sac se remplit d’une matière blanche, aqueuse et gluante : ce sac n’est adhérent à la matrice que par une espèce de mucilage, et l’endroit où il l’est le plus sensiblement, c’est à la partie supérieure où se forme alors l’ébauche du placenta. Dans le troisième mois, ce sac contient un embryon long de deux travers de doigt, et il contient aussi un autre sac intérieur qui est l’amnios, lequel renferme une liqueur transparente et cristalline, dans laquelle nage le fœtus. Ce n’était d’abord qu’un point animé, comme dans l’œuf de la poule ; tout le reste se conduit et s’achève comme il l’a dit au sujet du poulet : la seule différence est que les yeux paraissent beaucoup plus tôt dans le poulet que dans les vivipares ; le point animé paraît vers le 19 ou 20 de novembre dans les biches et dans les daines ; dès le lendemain ou le surlendemain on voit paraître le corps oblong qui contient l’ébauche du fœtus ; six ou sept jours après il est formé au point d’y reconnaître les sexes et tous les membres, mais l’on voit encore le cœur et tous les viscères à découvert, et ce n’est qu’un jour ou deux après que le thorax et l’abdomen viennent les couvrir : c’est le dernier ouvrage, c’est le toit à l’édifice.

De ces expériences, tant sur les poules que sur les biches, Harvey conclut que tous les animaux femelles ont des œufs, que dans ces œufs il se fait une séparation d’une liqueur transparente et cristalline contenue par une tunique (l’amnios), et qu’une autre tunique extérieure (le chorion) contient le reste de la liqueur de l’œuf, et enveloppe l’œuf tout entier ; que dans la liqueur cristalline la première chose qui paraît est un point sanguin et animé ; qu’en un mot, le commencement de la formation des vivipares se fait de la même façon que celle des ovipares ; et voici comment il explique la génération des uns et des autres.

La génération est l’ouvrage de la matrice, jamais il n’y entre de semence du mâle ; la matrice conçoit le fœtus par une espèce de contagion que la liqueur du mâle lui communique, à peu près comme l’aimant communique au fer la vertu magnétique ; non seulement cette contagion masculine agit sur la matrice, mais elle se communique même à tout le corps féminin, qui est fécondé en entier, quoique dans toute la femelle il n’y ait que la matrice