Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/82

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rend plus obscure la vue de ce vaisseau ; d’heure en heure ce nuage s’épaissit, s’attache à la racine du vaisseau sanguin, et paraît comme un petit globe qui pend de ce vaisseau ; ce petit globe s’allonge et paraît partagé en trois parties : l’une est orbiculaire et plus grande que les deux autres, et on y voit paraître l’ébauche des yeux et de la tête entière, et dans le reste de ce globe allongé on voit, au bout du cinquième jour, l’ébauche des vertèbres.

Le sixième jour les trois bulles de la tête paraissent plus clairement ; on voit les tuniques des yeux, et en même temps les cuisses et les ailes, et ensuite le foie, les poumons, le bec ; le fœtus commence à se mouvoir et à étendre la tête, quoiqu’il n’ait encore que les viscères intérieurs, car le thorax, l’abdomen et toutes les parties extérieures du devant du corps lui manquent ; à la fin de ce jour, ou au commencement du septième, on voit paraître les doigts des pieds, le fœtus ouvre le bec et le remue, les parties antérieures du corps commencent à recouvrir les viscères ; le septième jour le poulet est entièrement formé, et ce qui lui arrive dans la suite, jusqu’à ce qu’il sorte de l’œuf, n’est qu’un développement de toutes les parties qu’il a acquises dans ces sept premiers jours ; au quatorzième ou au quinzième jour les plumes paraissent ; il sort enfin, en rompant la coquille avec son bec, au vingt et unième jour.

Ces expériences d’Harvey sur le poulet dans l’œuf paraissent, comme l’on voit, avoir été faites avec la dernière exactitude ; cependant on verra dans la suite qu’elles sont imparfaites, et qu’il y a bien de l’apparence qu’il est tombé lui-même dans le défaut qu’il reproche aux autres, d’avoir fait ces expériences dans la vue d’une hypothèse mal fondée, et dans l’idée où il était, d’après Aristote, que le cœur était le point animé qui paraît le premier ; mais, avant que de porter sur cela notre jugement, il est bon de rendre compte de ses autres expériences et de son système.

Tout le monde sait que c’est sur un grand nombre de biches et de daines qu’Harvey a fait ces expériences ; elles reçoivent le mâle vers la mi-septembre : quelques jours après l’accouplement, les cornes de la matrice deviennent plus charnues et plus épaisses, et en même temps plus fades et plus mollasses, et on remarque dans chacune des cavités des cornes de la matrice cinq caroncules ou verrues molles. Vers le 26 ou le 28 de septembre, la matrice s’épaissit encore davantage, les cinq caroncules se gonflent, et alors elles sont à peu près de la forme et de la grosseur du bout de la mamelle d’une nourrice ; en les ouvrant avec un scalpel, on trouve qu’elles sont remplies d’une infinité de petits points blancs. Harvey prétend avoir remarqué qu’il n’y avait alors, non plus que dans le temps qui suit immédiatement celui de l’accouplement, aucune altération, aucun changement dans les ovaires ou testicules de ces femelles, et que jamais il n’a vu ni pu trouver une seule goutte de la semence du mâle dans la matrice, quoiqu’il ait fait beaucoup d’expériences et de recherches pour découvrir s’il y en était entré.