Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guins avaient grossi considérablement et se présentaient comme les ébauches des ventricules du cœur ; à côté de ces deux points sanguins on voyait deux points blancs qui étaient les ébauches des poumons ; dans l’abdomen on voyait l’ébauche du foie qui était rougeâtre, et un petit corpuscule tortillé comme un fil, qui était celle de l’estomac et des intestins : après cela ce n’est plus qu’un accroissement et un développement de toutes ces parties, jusqu’au trente et unième jour, que la femelle du lapin met bas ses petits.

De ces expériences Graaf conclut que toutes les femelles vivipares ont des œufs, que ces œufs sont contenus dans les testicules qu’il appelle ovaires, qu’ils ne peuvent s’en détacher qu’après avoir été fécondés par la semence du mâle, et il dit qu’on se trompe lorsqu’on croit que dans les femmes et les filles il se détache très souvent des œufs de l’ovaire : il paraît persuadé que jamais les œufs ne se séparent de l’ovaire qu’après leur fécondation par la liqueur séminale du mâle, ou plutôt par l’esprit de cette liqueur, parce que, dit-il, la substance glanduleuse, au moyen de laquelle les œufs sortent de leurs follicules, n’est produite qu’après une copulation qui doit avoir été féconde. Il prétend aussi que tous ceux qui ont cru avoir vu des œufs de deux ou trois jours déjà gros se sont trompés, parce que les œufs, selon lui, restent plus de temps dans l’ovaire, quoique fécondés, et qu’au lieu d’augmenter d’abord, ils diminuent au contraire jusqu’à devenir dix fois plus petits qu’ils n’étaient, et que ce n’est que quand ils sont descendus des ovaires dans la matrice qu’ils commencent à reprendre de l’accroissement.

En comparant ces observations avec celles d’Harvey, on reconnaîtra aisément que les premiers et principaux faits lui avaient échappé ; et quoiqu’il y ait plusieurs erreurs dans les raisonnements et plusieurs fautes dans les expériences de Graaf, cependant cet anatomiste, aussi bien que Malpighi, ont tous deux mieux vu qu’Harvey ; ils sont assez d’accord sur le fond des observations, et tous deux ils sont contraires à Harvey : celui-ci ne s’est pas aperçu des altérations qui arrivent à l’ovaire ; il n’a pas vu dans la matrice les petits globules qui contiennent l’œuvre de la génération, et que Graaf appelle des œufs ; il n’a pas même soupçonné que le fœtus pouvait être tout entier dans cet œuf ; et quoique ses expériences nous donnent assez exactement ce qui arrive dans le temps de l’accroissement du fœtus, elles ne nous apprennent rien, ni du moment de la fécondation, ni du premier développement. Schrader, médecin hollandais, qui a fait un extrait fort ample du livre d’Harvey, et qui avait une grande vénération pour cet anatomiste, avoue lui-même qu’il ne faut pas s’en fier à Harvey sur beaucoup de choses, et surtout sur ce qu’il dit des premiers temps de la fécondation, et qu’en effet le poulet est dans l’œuf avant l’incubation, et que c’est Joseph de Aromatariis qui l’a observé le premier, etc. (Voyez Obs. Justi Schraderi, Amst., 1674, in præfatione.) Au reste, quoique Harvey ait prétendu que tous les animaux venaient d’un œuf, il n’a pas cru que les testicules des femmes continssent des œufs :