LA CHARBONNIÈRE OU GROSSE MÉSANGE. 615
Les charbonnières se tiennent sur les montagnes et dans les plaines, sur les buissons, dans les taillis, dans les vergers et dans les grands bois : ce- pendant M. Lottinger m’assure qu’elles se plaisent davantage sur les mon- tagnes. Le chant ordinaire du mâle, celui qu’il conserve toute l’année, et qu’il fait entendre surtout la veille des jours de pluie, ressemble au grince- ment d’une lime ou d’un verrou, et lui a valu, dit-on, le nom de serrurier ; mais au printemps il prend une autre modulation et devient si agréable et si varié, qu’on ne croirait pas qu’il vînt du même oiseau. Frisch, M. Guys et plusieurs autres le comparent à celui du pinson (a), et c’est peut-être la véritable étymologie du nom de mésange-pinson, donné à cette espèce. D’ailleurs, Olina accorde la préférence à la charbonnière sur toutes les autres pour le talent de chanter et pour servir d’appeau ; elle s’apprivoise aisément et si complètement qu’elle vient manger dans la main ; qu’elle s’ac- coutume, comme le chardonneret, au petit exercice de la galère, et pour tout dire en un mot, qu’elle pond même en captivité (*).
Lorsque ces oiseaux sont dans leur état naturel, c’est-à-dire libres, ils commencent de s’apparier dès les premiers jours de février ; ils établissent leur nid dans un trou d’arbre ou de muraille (b), mais ils sont longtemps appariés avant de travailler à le construire, et ils le composent de tout ce qu’ils peuvent trouver de plus doux et de plus mollet. La ponte est ordinairement de huit, dix et jusqu’à douze œufs blancs avec des taches rousses, principa- lement vers le gros bout. L’incubation ne passe pas douze jours ; les petits nouvellement éclos restent plusieurs jours les yeux fermés ; bientôt ils se couvrent d’un duvet rare et fin qui tient au bout des plumes, et tombe à
(a) On nourrit en cage cette mésange en certains pays, dit Aldrovande, à cause de son joli ramage qu’elle fait entendre presque toute l’année : d’un autre côté, Turner dit que sa chanson du printemps est peu agréable, et que le reste de l’année elle est muette ; elle dit, selon les uns, titigu, titigu, titigu ; et au printemps, stiti, stiti, etc. En général, les auteurs font souvent de leurs observations particulières et locales autant d’axiomes universels, quel- quefois même ils ne font que répéter ce qu’ils ont entendu dire à des gens peu instruits ; et de là les contradictions.
(b) Surtout des murailles de maisons isolées et à portée des forêts ; par exemple de celle des charbonniers, d’où est venu, selon quelques-uns, à cette mésange le nom de charbon- nière. Voyez Journal de Physique, à l’endroit cité.
rieur de la ruche, et bientôt sortent quelques abeilles pour chasser la perturbatrice. Mais celle-ci saisit la première qui se montre, s’envole avec elle sur une branche, la prend entre ses pattes, lui ouvre le corps, mange la chair, abandonne les téguments et retourne chercher une nouvelle victime. Pendant ce temps, le froid a fait rentrer les abeilles ; la mésange frappe de nouveau contre la ruche et saisit encore la première qui se hasarde au dehors ; et cela dure quelquefois jusqu’au soir. » Brehm ajoute : « Elle ne mange rien sans l’avoir préalablement dépecé et divisé. Comme les corbeaux, elle tient sa proie avec ses doigts, la déchire avec son bec et en avale de petits morceaux. Lorsqu’elle a de la nourriture en superflu, elle en cache une partie, et sait la retrouver en temps convenable. »
(*) La Mésange Charbonnière pond très volontiers dans les nids artificiels et est très utile parce qu’elle détruit une grande quantité d’insectes. En Allemagne, on lui fait des nids arti- ficiels avec de vieux sabots percés d’un trou.