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MANIÈRE D’ÉTUDIER

jamais été fait, et qui ne servent qu’à montrer le penchant qu’ont les hommes à vouloir trouver de la ressemblance dans les objets les plus différents, de la régularité où il ne règne que de la variété, et de l’ordre dans les choses qu’ils n’aperçoivent que confusément.

Car lorsque, sans s’arrêter à des connoissances superficielles, dont les résultats ne peuvent nous donner que des idées incomplètes des productions et des opérations de la nature, nous voulons pénétrer plus avant, et examiner avec des yeux plus attentifs la forme et la conduite de ses ouvrages, on est aussi surpris de la variété du dessein que de la multiplicité des moyens d’exécution. Le nombre des productions de la nature, quoique prodigieux, ne fait alors que la plus petite partie de notre étonnement ; sa mécanique, son art, ses ressources, ses désordres même emportent toute notre admiration. Trop petit pour cette immensité, accablé par le nombre des merveilles, l’esprit humain succombe. Il semble que tout ce qui peut être, est : la main du Créateur ne paroît pas s’être ouverte pour donner l’être à un certain nombre déterminé d’espèces ; mais il semble qu’elle ait jeté tout à la fois un monde d’êtres relatifs et non relatifs, une infinité de combinaisons harmoniques et contraires, et une perpétuité de destructions et de renouvellements. Quelle idée de puissance ce spectacle ne nous offre-t-il pas ! quel sentiment de respect cette vue de l’univers ne nous inspire-t-elle pas pour son auteur ! Que seroit-ce si la foible lumière qui nous guide devenoit assez vive pour nous faire apercevoir l’ordre général des causes et de la dépendance des effets ? Mais l’esprit le plus vaste, et le génie le plus puissant,