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THÉORIE DE LA TERRE.

Commençons donc par nous représenter ce que l’expérience de tous les temps et ce que nos propres observations nous apprennent au sujet de la terre. Ce globe immense nous offre, à la surface, des hauteurs, des profondeurs, des plaines, des mers, des marais, des fleuves, des cavernes, des gouffres, des volcans ; et à la première inspection nous ne découvrons en tout cela aucune régularité, aucun ordre. Si nous pénétrons dans son intérieur, nous y trouverons des métaux, des minéraux, des pierres, des bitumes, des sables, des terres, des eaux, et des matières de toute espèce, placées comme au hasard et sans aucune règle apparente. En examinant avec plus d’attention, nous voyons des montagnes[1] affaissées, des rochers fendus et brisés, des contrées englouties, des îles nouvelles, des terrains submergés, des cavernes comblées ; nous trouvons des matières pesantes souvent posées sur des matières légères ; des corps durs environnés de substances molles ; des choses sèches, humides, chaudes, froides, solides, friables, toutes mêlées et dans une espèce de confusion qui ne nous présente d’autre image que celle d’un amas de débris et d’un monde en ruine.

Cependant nous habitons ces ruines avec une entière sécurité ; les générations d’hommes, d’animaux, de plantes, se succèdent sans interruption : la terre fournit abondamment à leur subsistance ; la mer a des limites et des lois, ses mouvements y sont assujettis ; l’air a ses courants réglés[2], les saisons ont leurs retours

  1. Vide Senec. Quæst., lib. vi, cap. 21 ; Strab. Geograph., lib. i ; Oros., lib. ii, cap. 18 ; Plin., lib. ii, cap. 19 ; Histoire de l’Académie des Sciences, année 1708, page 23.
  2. Voyez les Preuves, art. XIV.