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THÉORIE DE LA TERRE.

n’est que par celle des coquilles fossiles et pétrifiées qu’on trouve sur la terre que nous pouvons en avoir une idée. En effet, il ne faut pas croire, comme se l’imaginent tous les gens qui veulent raisonner sur cela sans avoir rien vu, qu’on ne trouve ces coquilles que par hasard, qu’elles sont dispersées çà et là, ou tout au plus par petits tas, comme des coquilles d’huîtres jetées à la porte : c’est par montagnes qu’on les trouve, c’est par bancs de 100 et de 200 lieues de longueur ; c’est par collines et par provinces qu’il faut les toiser, souvent dans une épaisseur de 50 ou 60 pieds, et c’est d’après ces faits qu’il faut raisonner.

Nous ne pouvons donner sur ce sujet un exemple plus frappant que celui des coquilles de Touraine : voici ce qu’en dit l’historien de l’Académie[1] : « Dans tous les siècles assez peu éclairés et assez dépourvus du génie d’observation et de recherche, pour croire que tout ce qu’on appelle aujourd’hui pierres défigurées, et les coquillages même trouvés dans la terre, étoient des jeux de la nature, ou quelques petits accidents particuliers, le hasard a dû mettre au jour une infinité de ces sortes de curiosités, que les philosophes mêmes, si c’étoient des philosophes, ne regardoient qu’avec une surprise ignorante ou une légère attention : et tout cela périssoit sans aucun fruit pour les progrès des connoissances. Un potier de terre, qui ne savoit ni latin ni grec, fut le premier, vers la fin du seizième siècle, qui osa dire dans Paris, et à la face de tous les docteurs, que les coquilles fossiles étoient de véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elles se trouvoient alors ; que

  1. Année 1720, pages 5 et suiv.