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THÉORIE DE LA TERRE.

rivières devient tous les jours plus difficile, et deviendra un jour impossible. On peut dire la même chose des grandes rivières de l’Europe et surtout du Wolga, qui a plus de soixante-dix embouchures dans la mer Caspienne ; du Danube, qui en a sept dans la mer Noire, etc.

Comme il pleut très rarement en Égypte, l’inondation régulière du Nil vient des torrents qui y tombent dans l’Éthiopie ; il charrie une très grande quantité de limon : et ce fleuve a non seulement apporté sur le terrain de l’Égypte plusieurs milliers de couches annuelles, mais même il a jeté bien avant dans la mer les fondements d’une alluvion qui pourra former avec le temps un nouveau pays ; car on trouve avec la sonde, à plus de vingt lieues de distance de la côte, le limon du Nil au fond de la mer, qui augmente tous les ans. La Basse-Égypte, où est maintenant le Delta, n’étoit autrefois qu’un golfe de la mer. Homère nous dit que l’île de Pharos étoit éloignée de l’Égypte d’un jour et d’une nuit de chemin, et l’on sait qu’aujourd’hui elle est presque contiguë. Le sol en Égypte n’a pas la même profondeur de bon terrain partout ; plus on approche de la mer, et moins il y a de profondeur ; près des bords du Nil il y a quelquefois trente pieds et davantage de profondeur de bonne terre, tandis qu’à l’extrémité de l’inondation il n’y a pas sept pouces. Toutes les villes de la Basse-Égypte ont été bâties sur des levées et sur des éminences faites à la main. La ville de Damiette est aujourd’hui éloignée de la mer de plus de dix milles ; et du temps de saint Louis, en 1243 c’étoit un port de mer. La ville de Fooah, qui étoit, il y a trois cents ans, à l’embouchure de la