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ART. XIX. CHANGEMENTS DE TERRES EN MERS.

très certain que la mer perd sur les cotes de Dunkerque : on en a l’expérience depuis un siècle. Lorsqu’on construisit les jetées de ce port en 1670, le fort de Bonne-Espérance, qui terminoit une de ces jetées, fut bâti sur pilotis, bien au delà de la laisse de la basse mer ; actuellement la plage est avancée au delà de ce fort de près de trois cents toises. En 1714, lorsqu’on creusa le nouveau port de Mardik, on avoit également porté les jetées jusqu’au delà de la laisse de la basse mer ; présentement il se trouve au delà une plage de plus de cinq cents toises à sec à marée basse. Si la mer continue à perdre, insensiblement Dunkerque, comme Aigues-Mortes, ne sera plus un port de mer, et cela pourra arriver dans quelques siècles. La mer ayant perdu si considérablement de notre connoissance, combien n’a-t-elle pas dû perdre depuis que le monde existe !

Il suffit de jeter les yeux sur la Saintonge maritime pour être persuadé qu’elle a été ensevelie sous les eaux. L’Océan qui la couvroit, ayant abandonné ces terres, la Charente le suivit à mesure qu’il faisoit retraite, et forma dès lors une rivière dans les lieux mêmes où elle n’étoit auparavant qu’un grand lac ou un marais. Le pays d’Aunis a autrefois été submergé par la mer et par les eaux stagnantes des marais : c’est une des terres les plus nouvelles de la France ; il y a lieu de croire que ce terrain n’étoit encore qu’un marais vers la fin du quatorzième siècle.

Il paroît donc que l’Océan a baissé de plusieurs pieds, depuis quelques siècles, sur toutes nos côtes ; et si l’on examine celles de la Méditerranée depuis le Roussillon jusqu’en Provence, on reconnoîtra que