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çais il y a trois, quatre ou cinq cents ans, et que, pour cette raison, le lexicographe est obligé d’enregistrer, mais qui aujourd’hui ne sont plus français. Allez donc parler comme Froissart ou comme Rabelais dans les rues de Québec, l’Athènes du Canada ; je vous donne la douce certitude qu’avant huit jours on vous enverra finir vos phrases à l’asile de la Longue-Pointe. De même, il y a une foule de mots, consacrés par les meilleurs écrivains de notre siècle, et que vous ne trouverez cependant pas dans les dictionnaires. De nouveau, je le répète, pour pouvoir se servir avec fruit des dictionnaires, il faut posséder le génie de la langue ; sans cela on est exposé à des aberrations fatales et parfois très amusantes, comme cet anglais qui, entendant à Paris son voisin de table appeler un des convives « cornichon », avait de suite eu recours à son dictionnaire et avait trouvé « petit concombre que l’on confit dans le vinaigre, » ce qui n’avait fait que le dérouter davantage. Si, au lieu du lexique, il avait eu recours à quelque français et lui eût demandé l’explication de ce mot, employé comme il l’avait été dans la circonstance, il eût été éclairé de suite. Ainsi dirai-je à l’excellent canadien qui m’a jeté « Passation » en plein sur le nez ; « Allez, mon ami, allez passer trois ou quatre ans en France ; mêlez-vous y avec les hommes instruits ; parlez comme ils parlent ;