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Page:Buies - Anglicismes et canadianismes, 1888.djvu/19

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pondantes qui sont de beaucoup préférables, plus exactes, plus précises, plus justes et plus logiques.

Nous sacrifions une langue admirable, une langue d’une précision presque absolue, la langue analytique et savante par excellence, si riche et si abondante qu’avec son secours on peut exprimer non seulement les idées, mais encore les nuances les plus subtiles des idées, une langue qui a un mot pour chaque aspect des choses, pour la variété innombrable de ces aspects, une langue qui, afin d’exprimer tout ce qui existe, se fractionne indéfiniment comme on peut fractionner chaque tout ou chaque partie d’un tout, jusqu’à sa limite infinitésimale ; cette langue unique, incomparable, complète et parfaite autant que peut l’être un instrument humain tous les jours perfectionné, nous la sacrifions aveuglément, délibérément, à un jargon bâtard qui n’a ni origine, ni famille, ni raison d’être, ni principe, ni règle, ni avenir.

Les journaux, les traductions, les pratiques légales ont été les trois grands ennemis de notre langue ; ils l’ont corrompue, ils l’ont rendue méconnaissable. Il est impossible de comprendre quelque chose à la plupart de nos textes de lois, de nos bills, de nos documents parlementaires quelconques, cela sans compter les choses inutiles, les répétitions sans objet, les membres de phrase jetés sans rime ni raison en travers du chemin, les périssologies de toute espèce, fouillis de monstruo-