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plus, et dût le barreau tout entier se ruer sur moi pour m’estourbir ou pour m’écorcher vif, je dirai qu’en général nos avocats (ce sont eux les traîtres, les « pendards », à quelque parti qu’ils appartiennent) ne parlent ni l’anglais, ni le français, mais un jargon coriace qu’on ne peut comprendre que parce qu’on y est habitué, et que l’on sait mieux ce qu’ils veulent dire que ce qu’ils disent. Et remarquez que je parle en ce moment d’hommes de mérite, d’hommes de valeur, (je laisse de côté les manœuvres de la profession) je parle d’hommes intelligents, cultivés, instruits, possédant une foule de connaissances, d’hommes enfin qui feraient leur marque dans n’importe quel pays, au milieu de n’importe quelle société avancée en civilisation. Mais que voulez-vous ? Ça n’est pas leur faute, c’est la faute du milieu où nous sommes. L’habitude constante et régulière des deux langues les pervertit forcément toutes les deux, surtout, bien entendu, celle qui doit le plus souffrir de cette bâtardise, par les conditions d’infériorités où elle se trouve. Ici, le commerce, l’industrie, la finance les arts, les métiers et jusqu’à l’éducation, jusqu’aux habitudes, jusqu’à la manière de dire « Bonjour » et de se moucher, tout est anglais. Comment notre langage résisterait-il à toutes ces influences extérieures qui agissent continuellement sur lui, l’enveloppent et l’étreignent ? Comment ne s’imprégnerait-il pas de ces mille apports