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LE CURÉ LABELLE

cette hâte violente qui les faisait se ruer à l’origine dans le chemin encore tout embarrassé de la fortune. Ils ont le temps de converser et ils aiment à le faire ; ils s’attardent même à dire bien des choses qu’ils diront encore le lendemain, et qu’ils ont probablement dites la veille ; ils ne sont pas toujours sur le qui-vive pour savoir ce qui va survenir de tel ou tel événement, de telle ou telle situation ; ils fument, parlent, agissent, comme s’ils n’étaient pas tout le temps sur le point de partir, d’aller dans quelque paroisse voisine « faire un petit risque » ; on sent qu’il y a un gros grain de philosophie rassurante et bonhomme au fond de leur gousset convenablement garni ; ils sont « très heureux de faire votre connaissance » et déclarent, sans cette nuance de flatterie grossière propre aux gens qui ont besoin d’être écoutés, qu’ils sont très fiers de ce qu’un homme « instruit comme vous » vienne visiter leur « place » ; enfin, ils ont eu le temps d’apporter un adoucissement sensible à l’âpreté de leurs manières primitives, et de pionniers, souvent de simples aventuriers qu’ils étaient d’abord, ils sont devenus des citoyens.

Ainsi de l’aspect général de l’endroit. La rudesse des premiers jours détonne maintenant parmi les apparences non équivoques d’un con-