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DES LAURENTIDES

l’intérieur, on ne tarde pas à voir le pays se dessiner rapidement avec des allures nouvelles. Une métamorphose étrange, en quelque sorte pénible, s’opère sous les yeux ; un air auquel on n’est pas préparé, imprégné de senteurs de forêts, d’une fraîcheur âcre et pénétrante, frappe soudain la figure ; le pays s’élève, par endroits s’élance et puis retombe, pour laisser s’entr’ouvrir des gorges profondes ; à droite, à gauche, devant soi apparaissent tour à tour ou à la fois des mamelons, des coteaux, puis des chaînons de plus en plus drus, de plus en plus compactes, se découvrant précipitamment, se multipliant et s’amplifiant, sans donner de répit au spectateur tout ensemble ému, dominé et charmé !

Tout en arrière, au fond du tableau, devenu tout à fait grandiose, s’alignent, se groupent, se pressent tour à tour des bataillons de montagnes, ici n’offrant qu’une ligne à peine ébauchée, mal assurée, là relevant leur torse déjà vigoureux et plein des premières audaces, plus loin s’échelonnant les unes derrière les autres comme un plissement répété de paupières de granit ; enfin là-bas, dans le lointain, se redressant tout entières contre la nue, opposant entre l’homme et le ciel des murailles de granit, aussi vieilles que la création et