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LE CURÉ LABELLE

Et maintenant, six pieds de terre le recouvrent, et il va s’en aller rapidement en poussière, dévoré par cette terre même qu’il voulait féconder, et ce qui reste de plus durable de lui, à part son œuvre encore bien imparfaite, c’est le souvenir fragile qu’en gardent des cœurs périssables, condamnés eux-mêmes à un prochain néant ! Ô misère ! Ô solitude éternelle du cœur humain, qui se rattache en vain à des affections toujours fugitives ! Hélas ! Hélas ! Comme la paroisse de Saint-Jérôme doit être vide, et comme elle le sera longtemps encore sans son curé ! Le deuil flotte, sur l’immense région du nord, et chaque nuage y pend comme un long crêpe du haut du ciel. Qui animera désormais tous ces foyers où l’âme du curé n’est plus ? Tout ce monde-là était habitué à n’espérer, à ne vouloir, à n’agir que par lui. Chaque colon, on peut le dire en quelque sorte, avait passé par ses mains. C’est à lui que chacun d’eux avait recours dans les difficultés ou dans les épreuves qui se présentaient : « Notre curé », disait-on jusque dans les paroisses les plus reculées du nord. C’est lui qui