Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
LE CURÉ LABELLE

dent extérieur, qu’on n’avait ni remarqué ni prévu, suffit à lui faire vomir des torrents.


Il fallait à une organisation comme celle-là un corps et des membres de géant. La nature les lui donna. Elle fut prodigue envers lui comme il fut prodigue envers les autres. Elle le tailla pour passer vingt ans de sa vie à attaquer les forêts et les montagnes, à pousser des générations sur les sols inconquis, comme Moïse poussait les Juifs dans le désert. Pour soulever un monde, elle lui donna des épaules d’Atlas et, pour l’enflammer, un cœur de Prométhée.

Cet homme-là n’a jamais rien eu à lui en propre, pas même sa dîme ; il ne savait jamais s’il avait ou non de l’argent dans son porte-monnaie, de même qu’il ignorait s’il y en avait ou non dans la cassette du presbytère. Ces détails-là ne pouvaient l’occuper, non qu’il les dédaignât, mais parce qu’il n’était pas capable d’y penser un seul instant. Il ne s’en préoccupait que pour sa mère et abandonnait entièrement à ses vicaires tout ce qui concernait les soins matériels de sa maison et de sa cure.