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LE CURÉ LABELLE

étonné en parcourant le Canada, » écrivait ces années dernières un touriste français : ces trois choses sont : « Les chutes Niagara, la foi du peuple et le curé Labelle. » Oui, certes, le curé Labelle. Ce n’est pas avant quelques années encore que l’on connaîtra bien toute la valeur de cet homme-là. Aujourd’hui on ne sent que le vide qu’il a laissé derrière lui. Sa sphère d’action était trop ignorée et son théâtre trop modeste pour que ce qu’on appelle « la gloire humaine » vînt l’y chercher. Et cependant, à peine le curé avait-il fait son apparition sur la grande scène du monde européen que, le lendemain même, déjà son nom volait de bouche en bouche. Sa correspondance seule suffirait à l’illustrer. Il y a telles lettres de cet homme qui sont de véritables chefs-d’œuvre d’originalité, de pensée et d’un style absolument introuvable ailleurs que chez lui. Sans doute on a vite fait d’accaparer la renommée en soumettant des peuples et en conquérant des provinces que l’on écrase sous son joug ; mais il fallait être plus qu’un conquérant ou un simple homme de génie pour créer un monde au sein de la barbarie même, l’ouvrir à la vie et à la civilisation, lui fournir tous les jours un aliment et un sang nouveaux par l’adjonction de centaines de familles dirigées