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LE CURÉ LABELLE

choses ont passé depuis lors ! Et qu’en reste-t-il ? Dans le torrent tumultueux de notre siècle, les événements passent sous nos yeux, pressés et drus comme des îlots précipités par la tempête. Ils ne sauraient laisser d’empreinte dans le souvenir, quand leur image même est envolée, sitôt aperçue. Qui nous eût dit alors que le curé Labelle devait faire si promptement après ce voyage d’Europe où il attira à un si haut degré sur sa personne et sur notre pays la curiosité et l’attention publiques, et qu’à peine quelques mois après son retour on dût entendre le glas funèbre annonçant qu’il était mort !


À la fin de 1889 il n’y avait guère plus d’un an que le curé Labelle avait fait faire les derniers travaux à un nouveau cimetière érigé à trente arpents environ de Saint-Jérôme, et dont il avait conçu le plan et dirigé l’exécution.

Ce cimetière est un admirable poème. C’est une œuvre sublime, comme on pouvait s’attendre à la voir sortir d’un cerveau qui concevait toujours en grand et qui recevait toutes ses inspirations d’un cœur intarissable. La mort y est belle, douce, miséricordieuse et sereine, comme une mère ouvrant ses bras à des enfants éplorés