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LE CURÉ LABELLE

beaucoup la peine de me signaler les peintures et les divers ornements funéraires de la chapelle, le curé m’entraîna rapidement vers les caveaux. Lentement, posément, il s’arrêta devant chacun d’eux, me faisant en quelques mots l’histoire de chacun des prêtres dont les corps y avaient été déposés, puis s’arrêtant devant le sien : « C’est toi, me dit-il avec un sourire, qui raconteras l’histoire de celui-ci : ça ne sera pas bien long, car je n’en ai pas pour longtemps maintenant. »

Je ne sais alors quel éblouissement ou plutôt quel vertige d’abîme sans limite monta subitement à mon cerveau. Je me rappelle que je regardai le curé fixément, mais sans bien me rendre compte et comme si j’avais voulu retenir son aspect qui semblait se dérober, puis mes yeux se reportèrent sur ce caveau vide, où cependant un nom était inscrit, et ce nom avait été inscrit d’avance ! Je ne pouvais plus les détourner. Était-ce bien vrai ? Je vis distinctement le curé couché là, sans vie, au lieu d’être à mes côtés, me parlant. La conscience et la réalité combattaient en vain l’illusion ; je me sentais de plus en plus entraîné par l’irrésistible vision, et à un moment même, j’aperçus l’âme du curé, sous une forme indéfinissable, semblable à un son qui s’envole, s’échap-