Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cela réchauffe. Allons, gilets de laine épaisse, vestes doublées, bonnes grosses fourrures qui caressent le menton et les oreilles, sortez de votre cachette que je vous contemple avant de vous entasser sur mon corps frissonnant… Mais non, non, c’est trop tôt ; restez, hélas ! hélas ! je vois que vous n’en avez plus que pour un hiver peut-être, ménageons ; vous m’avez coûté bien des chroniques et qui sait si je pourrais vous remplacer ! J’ai vieilli d’un an depuis l’hiver dernier, et beaucoup vieilli ; je perds cette verve, si piquante que j’en étais venu à m’admirer moi-même,


« Et ma jeunesse et ma gaîté,
« J’ai perdu jusqu’à la fierté,
« Qui faisait croire à mon génie… »


Pourtant le Pays paie bien. Oui, mes chers propriétaires, vous payez royalement. C’est vous qui avez introduit dans le journalisme canadien cette étonnante réforme qu’au lieu d’avoir à payer soi-même, comme jadis, pour faire insérer ses articles, on en est payé lorsqu’ils en valent la peine. Soyez bénis, et surtout continuez.

Si l’hiver est glacial, s’il abrège les jours, s’il nous oblige à porter cinquante livres pesant d’habits, il n’en est pas moins impuissant contre l’ingéniosité de l’homme. C’est en effet l’hiver qu’il a choisi pour en faire la saison des plaisirs. S’il fait noir à cinq heures, on a en revanche les bals, les soirées qui prolongent les veillées jusqu’au lendemain ; on a surtout le théâtre, oh ! laissez-moi vous en dire un mot. C’est une innovation, c’est un inouïsme que le théâtre français l’hi-