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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/105

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CHRONIQUES

ver, et c’est nous, les Québecquois, gens de routine et de réserve craintive, qui faisons cette révolution. Mais nous savions d’avance que nous ne risquions rien, voilà pourquoi.

La petite troupe française, composée de six personnages seulement, qui a monté le théâtre Jacques-Cartier, en plein faubourg Saint-Roch, est la troupe la plus parfaite, la mieux équilibrée, la plus artiste, dirai-je bien, que nous ayons encore eue. Elle joue deux fois par semaine et chaque fois il y a salle comble, malgré qu’il faille descendre des sommets de la haute ville pour aller à Saint-Roch, et surtout y remonter à onze heures du soir, ce qui est redoutable, je vous le jure. Mais nous sommes poussés comme par un ouragan vers la civilisation. Du reste, il n’y a rien qui tienne au plaisir d’entendre M. et Mme Maugard, M. et Mme Génot, M. et Mme Bourdais ; je les nomme parce qu’ils en valent la peine, et surtout pour faire bisquer les Montréalais, ces suffisants qui prétendent qu’on ne peut rien trouver à Québec. Attrapez.

Lorsqu’on sort du théâtre, à moins d’être un bon père de famille rangé, craignant les indigestions, ou un dyspeptique désespéré, on va généralement manger sa douzaine d’huîtres ; puis on prend son verre de hot scotch, puis on allume sa pipe et l’on reste un quart d’heure à la bar, puis on prend le deuxième hot scotch, et l’on devient causeur, je ne veux pas dire causeur aimable, puis on allume une nouvelle pipe, et lorsqu’on est bien enveloppé dans les nuages d’une fumée