Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
CHRONIQUES

d’ôter son paletot et de passer à la grande république sa chemise — « ce qui faisait un charmant contraste, dit un des reporters, avec les tentures foncées et les draperies de toutes couleurs qui paraient l’estrade. »

Pour moi, je ne suis pas paysagiste et je n’ai pas d’opinion à exprimer là-dessus.

Mais au sujet du canon, les Américains nous donnent un noble exemple. Comme ils n’ont pas d’ennemis autour d’eux, ils s’en servent pour leurs amis. Bientôt on verra le canon portatif que chacun aura dans sa poche aux assemblées populaires et qu’il fera partir au hasard de son enthousiasme. Qui sait ? le canon remplacera peut-être un jour la parole, et ce sera là un progrès vraiment humanitaire : il n’y aura plus moyen de déguiser sa pensée.

Québec a des canons, des mortiers et des obus qui se montrent à tout bout de champ. Partout où il y a quelque vieille ruine, quelque amas de pierres effondrées, quelque rempart antique qui s’affaisse, on voit se dresser ces foudres de guerre qui joueraient aujourd’hui à peu près le rôle de flèches d’Iroquois. Je ne sais pas même si l’on pourrait les faire partir pour applaudir un orateur ministériel. Quant à les charger, c’est peut-être encore possible, mais pour les décharger, jamais ! à moins qu’on veuille faire sauter la ville avec tous ses habitants, ce qui les remuerait peut-être un peu. En attendant, ils sont comme leurs canons, dont ils partagent l’immobilité séculaire.

Le ciel est chargé de vapeurs, de pluie et de vent de nord-est depuis la fin d’avril, en tout six semaines ;