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CHRONIQUES

ce qui fait que les navires venus d’Europe ne peuvent plus repartir. Les Québecquois, gonflés d’orgueil, disent qu’ils n’ont jamais vu autant de vaisseaux dans leur port ; mais aussi, dès que le vent du sud-ouest prendra, ce qui n’est pas probable cette année, il n’en restera plus un seul. Quand on songe que nous voilà arrivés au milieu de juin et que nous n’avons pas encore eu une bonne journée de chaleur, et qu’il n’a pas fait beau temps vingt heures de suite, c’est à demander l’annexion à tout prix ! Avec l’annexion, du moins, on est certain qu’il n’y aurait plus d’hiver en Canada et qu’il n’y pleuvrait point à tout propos et sans propos. Mais, tels que nous sommes, avec nos seules ressources coloniales, nous ne pouvons pas lutter contre l’atmosphère. L’indépendance[1] changerait peut-être un peu le cours du vent, mais ça ne durerait pas et tout serait à recommencer.

Avez-vous jamais promené votre regard d’aigle sur les grands événements qui agitent notre globe ? Pour moi, il me semble qu’il n’y a rien de plus petit ni de plus comique que ce qu’on appelle les grandes choses ; j’aime mieux m’arrêter aux côtés mesquins de l’histoire.

Ce qui frappe le plus mon attention en ce moment, c’est la loi passée en France contre l’ivrognerie. Cette loi ressemble beaucoup, pour les pénalités édictées, à celle que vous avez à Montréal et qui oblige de fermer

  1. Il a toujours existé en Canada un parti politique visant plus ou moins ouvertement à l’indépendance des colonies anglo-américaines.