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CHRONIQUES

toute la semaine ne peuvent pas aller voir leurs parents et leurs amis, tandis que vous, riches, vous pouvez aller les voir dans vos carrosses le jour que vous voulez bien ; pour le pauvre, il faut absolument les tramways du dimanche. Rien ne vaut mieux pour l’homme et n’a d’objet plus moral que de conserver les liaisons de l’amitié. Il y a dans New-York pas moins de dix mille familles qui n’ont pas d’espace pour se remuer dans leurs petits logements ; il y a des hommes qui ont à peine respiré l’air pur ou vu la lumière du soleil pendant six jours ; ces hommes sont étiolés, n’ont plus de sang, peuvent à peine se dilater la poitrine, eh bien ! lorsque vient le dimanche et qu’ils disent à leur femme et à leurs enfants : « Si nous allions à Greenwood entendre chanter les oiseaux. » leur répondrez-vous avec un dédain morose : « Mes amis, il faut garder le jour du Seigneur ? »…

Henry Ward Beecher n’est guère connu que de nom parmi nos compatriotes, et cependant c’est un des grands orateurs du siècle. Son éloquence, puisée dans le cœur humain, s’inspire de toutes ses tendresses, de tous ses désirs. C’est un moraliste qui sait qu’il s’adresse à des hommes, tout en leur montrant les sphères de l’inaltérable pureté céleste. Qu’importent pour lui les systèmes et les fictions sociales érigées en préceptes de conduite ! Il veut satisfaire toutes les aspirations légitimes, et pour donner aux hommes la liberté de faire tout ce qui n’est pas mal en soi, il passe à travers toutes les règles.

On vient de voir un échantillon de son éloquence passionnée, sensible, vraiment chrétienne, puisqu’elle s’inspire de l’amour des déshérités de ce monde, veut-