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CHRONIQUES

dans leur propre maison, croient juste de traiter les autres, dans la maison du Seigneur, comme des condamnés aux galères.

« Sans être décontenancés par cette froide réception, nos deux jeunes gens continuent leur chemin et croient pouvoir trouver un siège, mais le Suisse les arrête : « non, pas ici, » et les ramène et les fait asseoir dans un coin, tout à fait à l’arrière. Ils s’assoient, se regardent l’un l’autre un moment, puis se lèvent et filent. De dimanche en dimanche, ils vont ainsi dans les différentes églises, et c’est un rare bonheur pour eux que d’être reçus poliment dans l’une d’elles où ils rencontrent quelqu’un qui s’intéresse à eux, qui leur demande où ils demeurent et échange avec eux des promesses de visite.

« Eh bien ! que retireront ces jeunes gens de leur fréquentation de l’église ? En supposant qu’ils y trouvent une place, quelle est la nature de l’enseignement qu’ils reçoivent ? On leur dit peut-être que le ministère religieux a été transmis de pasteurs en pasteurs depuis les apôtres, et cela les intéresse énormément ; ils sont enchantés qu’il en soit ainsi ; ils y trouvent autant d’aliment spirituel que s’ils regardaient travailler à un tricot. Rien ne manque dans ces sermons méthodiquement cousus, chaque point est à sa place. Ailleurs, ils entendront dire que nous avons tous péché avec Adam, une doctrine bien consolante !

« S’ils vont dans une autre église, ils entendront parler de Balthazar, ou des visions de Daniel, ou des visions de l’Apocalypse. Combien de fois entendront-ils un prédicateur leur dire de ces choses qui vont droit à leur âme, leur parler de leurs tentations, de leurs besoins ?