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CHRONIQUES

Combien de fois trouveront-ils des cœurs qui battent et brûlent de l’esprit de fraternité ? Combien de fois entreront-ils dans une église où ils auront de quoi nourrir leur âme désolée ?… »

Voilà une peinture faite d’après nature, voilà un tableau de mœurs, voilà du langage qui parle et qui ne ressemble en rien aux froides et vides déclamations de ces prédicants puritains qui se transmettent les mêmes discours de génération en génération et les renouvellent périodiquement, si bien qu’on peut dire d’avance que telle année, à telle grande fête, on entendra répéter le sermon fait par le pasteur en telle autre année.

Cependant, les jeunes gens des États-Unis sont bien heureux de n’avoir que le dimanche qui les embarrasse ! Que dire de ceux de Québec qui ne savent où promener leurs pas monotones et leur figure ahurie pendant toute une semaine ? Dans Québec il y a une rue où l’on fait des affaires ; cette rue a huit arpents de long et quinze pieds de largeur ; après une forte pluie, les gens se parlent d’une rive à l’autre, parce que l’usage des canots portatifs n’est pas encore introduit dans la capitale. Il y a une autre rue où l’on se promène. Celle-là est longue d’un demi mille et n’a ni pavés, ni trottoirs. Opiniâtrement, inévitablement, les mêmes figures, pas belles du tout, malgré ce qu’on en ait dit, vous passent devant le nez cinq cents fois en deux heures. Les mêmes questions et les mêmes réponses se font tous les jours, et quand on n’a plus de quoi répéter et qu’une auberge se trouve sur le chemin, on entre se monter le cerveau au moyen d’un cocktail. Là se