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CHRONIQUES

L’Anglais sait attendre ; il sait que toutes les réformes durables sont contenues dans ce seul mot.

Hélas ! il ne suffit pas toujours d’attendre pour avoir ce que l’on désire. Voilà bientôt sept à huit années que j’attends pour ma part une sinécure du gouvernement et que je ne puis l’obtenir. J’ai essayé de tout, j’ai même fait de la pharmacie dernièrement et j’ai répandu à flots les prospectus de l’Omnieure ; le Sothérion me doit la moitié de sa célébrité ; grâce à moi, le Philodonte, ce dentifrice vermeil, ruisselle à flots sur l’émail de la plus belle moitié de notre espèce, et cependant j’en suis encore à trouver le magasin de bonnets de coton qui me recevra dans son sein, comme mon prédécesseur Jérôme Paturot. Impossible partout, inutile pour le bien, objet d’épouvante pour tous les commerçans de détail, je fais des causeries comme pis-aller. Je regarde mes amis d’autrefois accumuler devant eux des monceaux d’or…, les gredins ! Voyez cet horrible Provancher. Le voilà nommé agent d’émigration en Europe, avec $300 de traitement par mois. Cette nouvelle est tombée dans la bohème littéraire comme un éclat de foudre dans une caverne. Nous nous sommes réjouis bouche béante. Je n’en demandais pas plus, moi, pour pouvoir faire de nouvelles dettes. Tant de luxe m’accable. Heureusement qu’il me reste le rire de Diogène, cette suprême ressource du gueux.