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CHRONIQUES

À LA CAMPAGNE

LA MALBAIE

(Murray Bay)
26 Juillet


C’est un petit volume qu’il faudrait écrire sur la Malbaie, un petit volume sur papier de soie rose, frais, mêlant l’odeur du varech au parfum de l’héliotrope, colorié, chatoyant, un de ces petits volumes qui s’égarent dans les boudoirs en bois de campêche, ou que les jeunes filles portent avec elles lorsqu’elles vont sur le rivage, marier les longues ombres de leurs cils au balancement des jeunes branches d’arbres ou aux somnolentes harmonies de la vague montante.

Rien n’est plus pittoresque, plus rafraîchissant, plus varié, plus gracieux que ce morceau du paradis terrestre égaré sur le flanc des Laurentides. Quelle diversité, quelle fécondité, quels luxueux caprices de la nature ! Vous avez ici tous les aspects, toutes les beautés, toutes les grâces unies à toutes les pompes du paysage. Près du fleuve un rivage accidenté, coupé de petits caps et de ravines perdues ; des sentiers qui sortent de toutes parts et qui mènent on ne sait où, des bordures verdoyantes qui s’échappent avec mystère d’un bois de sapins, des coteaux à peine ébauchés qui naissent pour ainsi dire sous les pas et qui bornent un instant l’horizon, pour laisser entrevoir ensuite des