perspectives illimitées ; toute espèce de petites tromperies séduisantes, des mamelons innombrables, couronnés d’un petit bouquet d’arbres isolés, comme la mèche de cheveux sur la tête rasée d’un Indien ; des détours, des méandres imprévus, toutes les charmantes caresses brusques de la nature qui veut surprendre le regard, comme une mère qui invente à chaque heure de nouveaux plaisirs pour le petit dernier-né.
La Malbaie n’est pas un village comme tous les autres villages du Bas-Canada, une longue suite de maisons blanches sur le bord du fleuve, suite monotone, toujours la même avec son paysage nu et les grands champs en arrière s’étendant jusqu’aux concessions. Ici, tout est rassemblé par groupes, groupes épars, distincts, ayant chacun une physionomie propre et pour ainsi dire un langage à lui seul. La Malbaie vous parle, elle va au-devant de vous quand vous allez à elle, et elle a l’air de dire : « Venez ; jouissez, admirez-moi, regardez comme je suis belle, c’est pour vous que je me suis faite ainsi : demain je serai plus belle encore, et avant que vous me connaissiez bien, vous aurez épuisé toutes les jouissances du touriste et j’aurai porté l’ivresse jusque dans vos souvenirs, lorsque vous serez loin de moi. »
La poésie est ici vivante, animée ; elle prend corps et fait sa toilette, toilette qui change cinq fois par jour, de sorte qu’il y en a pour tous les goûts. On trouve à la Malbaie tous les genres, le grand, le joli, le capricieux, le sauvage, le doux ; on a derrière soi, en folâtrant dans les bosquets éparpillés parmi les petits caps qui ceinturent le rivage, la chaîne lourde et sombre des montagnes du nord ; on y débarque au pied