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CHRONIQUES

d’un promontoire plein de menaces, et que les flots, en se brisant sur sa falaise tourmentée, font retentir de sourds grondements. Au bas de ce promontoire est un village d’Indiens de vingt à trente feux, bizarrement groupé, et qu’aucun visiteur ne manque d’aller voir, soit par curiosité, soit qu’il veuille acheter un des mille petits objets en osier ou en frêne que fabriquent les Indiens, et qui consistent en corbeilles, paniers, vases de toute forme, pendants d’oreilles, pendeloques, etc.

Rien encore au débarcadère que ce village d’Algonquins ou d’Iroquois déchus, et trois ou quatre maisons, de mesquine apparence pour recevoir les équipages des bateaux à vapeur. Vous voyez bien, en promenant le regard, quelques toits et quelques cheminées surgissant au milieu des rocs qui se penchent sur votre tête, mais rien encore qui indique la subite apparition de la plus délicieuse campagne du Canada. Vous montez une côte raide et dure, caillouteuse et pierreuse comme toutes les côtes du nord ; c’est un escarpement rebelle et indompté, si ce n’est par le sabot des vigoureux petits chevaux du nord qui ont des muscles d’acier ; puis, tout d’un coup, la vue s’étend et c’est une perspective éclatante. Les maisons s’échelonnent au loin sur l’espace d’un mille ; elles s’élèvent à droite, à gauche, irrégulièrement, pittoresquement, se choisissent un nid et s’enveloppent d’arbres, se dissimulent si elles en ont la chance, s’éparpillent comme des fleurs jetées au hasard, et, plus loin, à quelques pas seulement,